« Je suis une fille de mon époque. »
Capucine Delattre est l’une de ses filles-là. Née en 2000, elle est éditrice.
Elle avait 17 ans quand le phénomène #MeToo a envahi la toile. Moi, j’en avais 26 et ça ne m’a pas empêché de m’y retrouver dans ces témoignages.
Dans ce nouveau roman, Capucine Delattre nous ouvre les portes de cette zone grise grâce à Elsa, elle aussi 17 ans en 2000, qui découvre les prémices de l’amour et de la sexualité aux bras de Victor, en même temps que des centaines de déclarations #MeToo.
Victor qui est son premier copain. Victor qui prend et qui ne demande pas. Victor qui s’en fout d’Elsa qui l’attend sagement à la maison. Victor et ses réflexions «c’est pour ton bien ». Victor qui abuse. Victor qui n’entend pas le corps d’Elsa qui crie non.
Elsa n’y connaît rien, pour elle c’est normal, elle est censée ressentir du plaisir et du désir, c’est la société et les films qui le disent, finalement c’est peut-être elle qui est construite à l’envers. Elle ne comprend pas que ce n’est pas normal. Que même si elle ne dit pas non, elle ne dit pas oui non plus, et que c’est aussi grave. Elsa était persuadée que jamais elle ne tomberait sur un porc comme dans les témoignages de #MeToo, et Elsa avait tort.
« Je suis une fille de mon époque. J’ai découvert l’amour en même temps que #MeToo. Ça ne me concernait pas, pas plus que ça ne m’a affectée. Ma jeunesse me servait d’immunité, j’avais un amoureux, et il me semblait que si je devais croiser la route d’un porc un jour, j’en mourrais. Je me trompais sur tous les points. »
Un roman #Metoo
Un monde plus sale que moi est le roman des jeunes filles de #MeToo, celles qui avaient dix-sept ans en 2017, celles dont on se dit qu’elles sont nées suffisamment tard, dans un monde suffisamment progressiste pour que rien ne puisse leur arriver, mais qui ne sont en réalité pas plus protégées que leurs aînées de la violence des hommes.
C’est l’histoire de toutes ces filles qui croyaient devenir femmes alors qu’elles devenaient proies. C’est l’histoire d’une époque – la nôtre.
Encore un roman sur le consentement ? Oui et il sera nécessaire d’en parler encore et encore tant qu’il faudra clamer que le silence n’est pas un oui.
Dans ce roman Capucine explique l’emprise, les questionnements, le fait de ne pas être à l’aise avec la notion de viol. « Elsa, le consentement, ce n’est pas juste le fait d’accepter. Il faut le vouloir aussi. »
« L’idée d’abus sexuel me vient petit à petit, comme on s’endort. Il n’y a ni déclic, ni révélation, mais un lent apprivoisement. Ce n’est ni douloureux, ni écrasant. Juste un mot énorme, avec lequel je dois me familiariser. Même si je ne sais pas encore si ça s’applique vraiment à mon histoire, je suis déjà prête, non pas à le dire, mais à le croire. J’attends de savoir. »
Elsa si jeune nous conte son histoire mais aussi le portrait de milliers de femmes qui se reconnaitront dans son récit. Un livre intelligent, parfois brutal, pour une génération qui pensait pouvoir échapper aux violences faites aux femmes. L’histoire qu’on aurait aimé lire à la sortie de l’adolescence et qu’il faudrait offrir à nos amies, à nos amis, à nos sœurs, à nos frères, à nos parents.
Le viol ne se passe pas toujours dans les ruelles sombres, le soir. Ce n’est pas toujours violent. Parfois c’est insidieux. Des fois il y a du chantage. Quelque fois il peut y avoir des coups. Mais souvent c’est du viol.
Parce qu’il faut en parler, le formuler ou même l’écrire si on n’arrive pas à le dire.
Ne vous taisez plus!
Ne.
Vous.
Taisez.
Plus!
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