La zone d’intérêt
DECOR: Camp de concentration
PERSONNAGES: Paul Doll, le Commandant : bouffon vaniteux, lubrique, assoiffé d’ alcool et de mort. Hannah Doll, l’ épouse : canon de beauté aryen, mère de jumelles, un brin rebelle. Angelus Thomsen, l’ officier SS : arriviste notoire, bellâtre, coureur de jupons. Szmul, le chef du Sonderkommando : homme le plus triste du monde.
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A l’extérieur des murs barbelés du camp de concentration Kat Zet I se trouve la Zone d’Intérêt. Dans ce secteur résidentiel, les destins des quatre personnages s’entrechoquent. La zone est réservée aux officiers SS et à certains membres du personnel du camp qui y vivent, certains en famille. Le lecteur peine à imaginer que cela soit possible… et pourtant…
Martin Amis ne banalise pas le mal, ses personnages oui… Et c’est la force philosophique du roman; des individus ordinaires peuvent commettre des actes impensables dans des circonstances extraordinaires. D’autres l’ont fait avant lui; Hannah Arendt bien sûr, Schlink dans Le Liseur, Primo Levi ou encore Jonathan Littell dans Les Bienveillantes. Là où Amis frappe fort, c’est qu’il ose la satire et le sarcasme pour mettre en lumière la manière dont les nazis justifient et normalisent leurs actions horribles. Il souligne l’absurdité de la logique nazie et expose les failles de la mentalité idéologique qui sous-tend l’Holocauste. Les personnages du roman sont dépeints de manière complexe, illustrant comment la banalité du mal peut se manifester dans la vie quotidienne même au sein de l’élite nazie. Ce cocktail donne un roman à la fois passionnant, dérangeant et inoubliable!
La Zone d’Intérêt est un roman difficile, fortement controversé à sa sortie et qui le restera pour toujours. Pour moi, il est un coup de génie, une maitrise totale de la satire où Amis pousse si loin la caricature qu’il rend l’horreur encore plus horrible. De l’odeur et de la « bande son » qui règne perpétuellement au camp en passant par les désirs et les mesquineries du quotidien, rien ne nous est épargné et pourtant la plume de Martin Amis rend tout cela lisible.
Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que Martin Amis n’invente rien… Même s’il situe son récit dans un camp imaginaire, ses personnages et les faits qu’il décrit ont existé; tout est vrai. » La seule liberté consciente que j’ai prise avec les faits attestés a été d’avancer de dix-sept mois la défection à l’URSS. Hormis quoi, je colle aux faits historiques, à « ce qui s’est fait », dans toute son horreur, sa désolation et son opacité sanguinaire. »
Si Martin Amis est un enfant terrible de la littérature anglaise, c’est qu’il maitrise parfaitement l’ironie. Il use à merveille de l’humour noir et de la satire pour explorer des thèmes sociaux, politiques et culturels complexes. Son style narratif vous emporte dans une lecture toujours stimulante. Ses romans sont toujours intelligents, audacieux et poussent à la réflexion. Je vous conseille chaleureusement Chien Jaune ou encore le très particulier Veuve enceinte! Nous sommes donc en 2023 et le roman polémique de Martin Amis sort sur grand écran. A la réalisation nul autre que Jonathan Glazer. Personnellement je ne suis pas étonnée. Le réalisateur de Sexy Beast, Birth et Under the Skin ne pouvait qu’être intrigué par ce scenario… Jonathan Glazer sait la beauté du malaise… Il parvient à déranger et subjuguer en même temps, ce qui ne peut-être que la seule manière de filmer La Zone d’Intérêt… Et le résultat est époustouflant…
Je fais partie du public admiratif de ce film, bien que je comprenne qu’on le rejette en bloc! C’est une expérience particulière, gênante et fascinante que nous propose Glazer. Les acteurs sont d’une justesse folle et les non-dit sont des plus extraordinaires!
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