C’est l’été, il fait beau, chaud, et on n’a pas forcément l’envie de lire un bouquin trop compliqué, sur la plage. Et même le soir, repu de farniente, on a un peu le cerveau en capilotade. Mais alors, que peut-on lire de fun sans tomber dans l’imbécilité et les bouquins de blogueurs/youtubeurs ? Petite sélection…
De Rien est, enfin, la percée de Geoffroy Monde. Déjà actif depuis plusieurs années, édité chez des indépendants de qualité, participant à des collectifs, il se voit enfin publié dans un écrin splendide, chez un éditeur majeur (Delcourt). Mais ne nous y trompons pas ! S’il change d’ampleur, son univers reste fidèle à lui-même. Oscillant avec bonheur entre humour, absurde, angoisse, et pure méchanceté, il se rapproche du travail fou de Bastien Vivès (dans son blog) ou Ruppert et Mulot (surtout leurs ouvrages publiés à l’Association).
Le graphisme est léché et reconnaissable, les dialogues font mouche, et l’ensemble se permet des digressions et des délires qui tutoient le grand n’importe quoi, et en font le cousin dégénéré d’un Kafka qui aurait bouffé du Desproges au petit déjeuner.
De Rien, c’est LA révélation de l’humour en BD, pour ce début 2016, et c’est à ne pas mettre entre toutes les mains !
Joan Cornellà est une petite star des internets. Multi-diffusées sur Facebook et les autres réseaux sociaux, ses petites histoires muettes et dérangeantes ne laissent personne indifférent. D’un graphisme appliqué et identifiable sans mal, il aborde avec virulence des sujets complexes, et les détourne avec la jubilation d’un grand malade. Son humour est redoutable, d’une noirceur abyssale, et perd parfois le lecteur dans les méandres d’un trop plein d’absurde. Mais l’un dans l’autre, les lectures qui secouent et remettent en cause notre manière d’aborder l’humour et la BD sont trop rares. Ici même fait œuvre utile en publiant enfin cet auteur en francophonie, et sait déjà que tout le monde n’adhèrera pas !
Paf et son comparse Hencule sont de belles enflures. Médecins roublards et détestables, avocats minables et sans scrupule, ils sont dépourvus d’empathie, et profitent de leur statut privilégié pour malmener quiconque doit interagir avec eux. Fer de lance des éditions Même pas mal (et du magazine Aaarg!), les deux lascars sont le miroir déformant de tout ce qui ne va pas dans notre monde, mais deviennent terriblement drôles dès lors que l’on accepte de rire de la misère humaine. C’est méchant, trash, raciste, misogyne, et pourtant, et pourtant… Nous en rions. Salvateur !
Allez, la période de deuil est passée, et nous sommes encore un peu Charlie. Suffisamment en tout cas pour relire avec délectation les pensées imbéciles de Maurice le chien, et Patapon le chat, fruits de l’esprit déviant de Charb (feu rédac’ chef de Charlie Hebdo, donc).
M & P, c’est Le Chat de Geluck, revu et pulvérisé par Vuillemin. Ce sont des brèves de comptoir qui parlent principalement de caca, de pipi et de zizi. C’est vulgaire, mais il se cache comme un fond de vérité, une poésie abstraite de la vraie vie, qui remet en cause notre conception du beau, du drôle. Avec cette série ingénument dégueulasse, Charb a signé le sous-titre du film d’une époque troublée et incompréhensible, et en a souligné l’absurdité et la bêtise. Avec du caca, bien entendu.
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