Larcenet, un artiste aux multiples facettes
Ce mois ci Manu Larcenet revient avec un livre un peu spécial. Une bande dessinée, un roman graphique ? Pas vraiment. Cet auteur et illustrateur connu pour ses séries « Le Combat ordinaire » et « Le retour à la terre » nous propose un petit recueil de tatouages. C’est l’occasion de constater à quel point son travail est varié et de revenir sur les chefs d’oeuvre de l’artiste qui ne cesse de nous surprendre.
Le coup de poing Blast
Suite au décès de son père, l’écrivain Polza Mancini plaque tout. Ce qu’il se passe ensuite, il le raconte en garde à vue, petit à petit, avec une lenteur agaçante et intense. Un récit ponctué de Blast : des éclairs violents de visions et d’absence. Entre incompréhension et compassion, on plonge dans la psychologie de ce personnage obèse et sensible. Complexes et sublimes, les illustrations de Manu Larcenet oscillent entre nuances de gris et couleurs vives et s’accompagnent d’un travail d’écriture poétique. Absolument remarquable, Blast bouscule le lecteur et le marque durablement.
Si ce n’est pas avec cette série que j’ai connu l’auteur, elle compte parmi mes préférées de Manu Larcenet et parmi mes BD favorites en général. Cette oeuvre puissante se décline en quatre tomes publiés chez Dargaud et existe aussi en version intégrale. Blast fait parti de ces livres qu’on aimerait relire inlassablement pour la première fois.
Le Rapport de Brodeck
Une adaptation du roman de Philippe Claudel
Au village, on n’aime pas tellement les étrangers. Alors, quand l’irréparable se produit, les gens du coin demandent à Brodeck d’écrire un rapport. Homme solitaire et discret, il n’apparaît pourtant pas comme le candidat idéal. Mais il sait écrire, raconter et surtout il sait se taire.
Sa mission ? S’en tenir aux faits et innocenter ses pairs. Mais l’écriture est une thérapie et il se laisse aller. Il raconte tout, avec ses tripes, avec son cœur : les horreurs de la guerre, les tragédies personnelles, la douceur de sa femme et l’étrange étranger qui bouscule son quotidien.
La cruauté de l’homme aussi.
Deux tomes d’un roman graphique sensationnel, où chaque planche est sublime. Si le roman de Philippe Claudel est un chef d’oeuvre littéraire, les illustrations de Manu Larcenet renforcent les drames, la violence sourde, le silence de la campagne. Des visages graves, des corps amaigris, des oiseaux menaçants ou apaisants, tout est retranscrit avec peu de mots et beaucoup d’émotion.
Presque
Contre l’armée, Larcenet n’a plus de haine. Enfin presque. Il raconte la fatigue, les brimades, le zèle, les humiliations. Il raconte la société, où tous sont au plus bas et où l’on finit par ne plus supporter les autres tellement ils nous sont semblables.
Une rancœur sourde envers la fierté des parents quand leurs enfants endossent l’uniforme.Mais un uniforme pour quoi faire ? Des jeux de rôles? Dans les exercices imposés par l’armée tout est faux, faux conflits, fausses guerres… mais la folie qui gagne du terrain est vraie, et parfois irréversible. Des gradés qui n’ont plus de limite, des vraies balles pour de fausses raisons.
Ce microcosme Manu Larcenet l’a connu en 1991 en Lorraine, à peine diplômé, encore chez ses parents qui ne comprennent pas son mal-être. Il se met en scène avec humilité et humour, les planches avec sa mère tournant à la caricature. Un roman graphique pour comprendre et connaître un peu mieux l’auteur.
Tattoo Flash
Le petit dernier de Manu Larcenet
Dans nombreuses de ses œuvres, Larcenet décrit la peur et ses angoisses. Ses dessins sont souvent complexes et torturés.Mais il a aussi cette qualité de se réinventer sans cesse, passant d’une esthétique à l’autre. Sorti le 14 juin, Tattoo Flash montre un coup de crayon nouveau pour l’auteur qui s’essaie au tatouage.
Catalogue de motifs disponibles et susceptibles d’atterrir sur votre peau, les flash de Larcenet se veulent old school, souvent colorés. Mais n’y voyez pas une simple démonstration artistique. Certains dessins ont une connotation politique, d’autres renvoient à la pop culture, d’autres encore à la religion.
A l’image d’un tatoueur, Larcenet se dévoile, nous expose son univers et ses convictions. Un petit bijou artistique un peu en marge de ses bandes dessinées habituelles.
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