DESTINS D'ANARS EN BD
Avec la sortie du Travailleur de la nuit, de Matz et Chemineau chez Rue de Sèvres et du second tome de Forcats de Bedouel et Perna aux Arènes, c’est l’occasion de revenir sur la figure de l’anarchiste en BD, à travers la vie d’Alexandre Jacob et d’Eugène Dieudonné.
Révoltés, romantiques, lettrés, voyous, bagnards et surtout révolutionnaires, les héros de ces excellentes biographies avaient tout pour se plaire.
Chacun a lutté pour une société plus juste, s’est engagé dans la lutte avant de se faire rattraper par le pouvoir. Et finalement chacun des deux a contribué à l’abolition des bagnes de Guyane.
Deux destins extraordinaires, deux parcours parallèles aux marges de la société, et aujourd’hui deux traitements passionnants en bande-dessinée.
Si comme le disait Max Stirner « la liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n’est pas la liberté », suivons le destin de ces hommes que le bagne ne priva jamais de leur liberté.
Anarchiste marseillais né en 1879, on dit d’Alexandre « Marius » Jacob qu’il inspira Maurice Leblanc pour on personnage d’Arsène Lupin.
Né dans une famille pauvre, il s’engagea très tôt dans la marine marchande, et à l’adolescence il avait déjà voyagé dans le monde entier.
Sa conscience politique s’éveille très tôt aussi, et face aux injustices sociales de son époque il se tourne vers l’activisme anarchiste.
Voulant redistribuer les richesses spoliées par la classe dominante, il se lance dans les cambriolages à grande échelle. Ces cibles seront les militaires, le clergé ou les rentiers, s’interdisant de voler aux artistes ou commerçants. De même, il instaurera un pourcentage sur ses gains destinés aux familles dans le besoin.
Il signera volontiers ses casses par des mots désopilants laissés aux victimes, billets adroitement tournés que ne pourrait renier un Arsène Lupin.
Innovant sans cesse, il perfectionne ses activités criminelles continuellement et constitue une véritable entreprise du larcin.
Finalement capturé, après une harangue d’une liberté incroyable à son procès, il connaîtra l’emprisonnement au bagne de Guyane.
Considéré comme le prisonnier le plus dangereux de tous par ses geôliers, il passera beaucoup de temps au cachot (11 ans sur les 18), lira énormément et finalement assistera le Docteur Rousseau dans la rédaction d’un ouvrage dénonçant le bagne. Libéré, il retourne en métropole et devient camelot, sans pour autant renier ses engagements. En 1954, à 74 ans, il met fin à ses jours, laissant derrière lui, comme à son habitude, un dernier mot en forme de pirouette.
A découvrir aussi..
Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur De Henry et Henry
Louise Michel la vierge rouge, de Talbot et Talbo
Des Graines sous la neige Nathalie Lemel communarde et visionnaire, de Rouxel et Michon
L’essai, de Debon
A l’origine de ce projet, nous retrouvons son scénariste Matz.
Très à l’aise dans les entreprises criminelles, il a écrit deux romans noirs, en a traduit aussi depuis l’américain et évidemment en a adapté aussi en BD. Citons par exemple Nuit de Fureur avec Miles Hyman chez Rivages Noir, adaptation du roman de Jim Thompson, ou encore plus récemment Balles perdues ou Corps et âme avec Jef chez Rue de Sèvres, adaptations de Walter Hill.
Vous le connaissez probablement pour la série Le Tueur (13 tomes) avec Jacamaon chez Casterman.
Cette année, il retrouva Jef au dessin pour une autre biographie intéressante avec Geronimo, chez Rue de Sèvres.
Au dessin, un autodidacte, ingénieur de formation et révélation de la bd : Léonard Chemineau. Ce jeune artiste s’est illustré dans quelques one-shot, donnant la part-belle à la biographie déjà. Découvert pour beaucoup dans Les amis de Pancho Villa chez Casterman, son sens des couleurs et des textures fait aussi merveille dans le plus récent Juli Popper le dernier roi de Terre de Feu chez Rue de Sèvres.
Ce diptyque signé Bedouel et Perna revient sur la rencontre entre le grand reporter Albert Londres et Eugène Dieudonné, anarchiste condamné au bagne des Iles de Salut en Guyane.
Ces deux hommes intègres et engagés noueront une amitié et se battrons pour obtenir l’abolition du bagne.
Le traitement proposé par les auteurs de Forçats est plus noir, tout en encrages puissants.
J’avais déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais de cette série dans un article précédent que je vous invite à retrouver ci-dessous…
Deux approches différentes pour deux destins hors-du-commun, mais aussi deux bd à découvrir de toute urgence, belles, inspirantes et libres.
V pour Vendetta, de Moore et Lloyd
L’or et le sang, de Bedouel, Nury, Merwann et Defrance
Le Cri du Peuple de Tardi et Vautrin
Communardes! de Lupano et autres (série)
Laisser un commentaire