POZLA, alias Rémi Zaarour, s’est fait connaître il y a quelques années en réalisant la seconde saison des Lascars, série racontant avec un humour acerbe le quotidien des quartiers, puis en travaillant sur Ernest et Célestine. Et dans le milieu de la BD, il a surtout signé, avec El Diablo, le redoutable Monkey Business, chez Ankama… Mais au milieu de tout ça, il a aussi vécu un drame médical qui a failli lui coûter la vie, et il en parle ici sur près de 400 pages.
Depuis tout gamin, Pozla a mal au bide. Il serre les dents, il fume des pêtards, mais à un moment, ça ne suffit plus. Il commence à voir du sang dans ses urines… Direction le médecin de famille : ce serait psychosomatique. Bon. Une fois ceci dit, reste la douleur. À l’orée de la paternité, celle-ci redouble d’intensité, et cette fois, il est pris au sérieux. Après une batterie d’examens, un nom, un sale nom, est posé sur son mal : la maladie de Crohn. Commence le long combat contre une maladie chronique…
Assis sur son lit, le ventre bardé de pansements, des piqures dans les bras, Pozla ne regarde pas la télé. Il lit, il écrit, et surtout, il dessine. Son carnet de santé foireuse, c’est avant tout une thérapie qui s’est imposée à lui lorsqu’il s’est rendu compte que la douleur refluait lorsqu’il noircissait du papier. Mais que faire de cette masse de dessins malades, tordus et un peu fous ? Eh bien, il suffit de mettre tout ça en forme, et d’en faire le squelette d’un bouquin… Partant de son enfance, et des errances médicales qui l’amèneront sur le billard, Pozla raconte tout. Avec nonchalance, avec une franchise désarmante, un humour toujours ravageur, et un amour profond pour ses proches. D’un récit aussi dur, il fait un formidable plaidoyer pour la transition survie-vie, ces moments où l’on réapprend à vivre après avoir été crispé dans une posture d’autodéfense. Rien ne dépasse de cette épopée intime, tout est en place, pour un auteur qui se révèle complet, et au propos puissant.
Si les dessins « sur le vif » sont indiqués, et toujours saisissants, le reste du livre alterne les styles, les ambiances, les tons graphiques. Pozla se permet tout, sans réserve, prend la place nécessaire, gribouille, gratte sa page avec frénésie, puis aère la suivante jusqu’à l’épure. Si la couverture est évocatrice, elle n’est malheureusement pas au niveau des planches intérieures : Carnet de santé foireuse est un objet graphique hors norme, aussi libre que magistral, et n’obéit à aucune règle autre que celles nécessaires à l’expression du ressenti de son auteur.
Voici un ouvrage qui ne laisse pas indemne. Moins foncièrement noir que le formidable Quand vous pensiez que j’étais mort, c’est un pavé humain, touchant, qui regorge d’espoir et d’affection, dans une aventure qui aurait pu détruire un panel de vies. Très probablement l’un des livres majeurs de cette année, d’une humanité exceptionnelle, et la preuve définitive qu’Ernest et Célestine est un porte-bonheur pour ceux qui y ont contribué (Benjamin Renner, le co-réalisateur du film, a ainsi signé cette année Le grand méchant renard, tout simplement le coup de cœur 2015 de Greg – mon comparse de l’Espace BD de Lausanne – et moi-même).
Et comme, évidemment, personne ne parle mieux de son livre que l’auteur lui-même, voici un petit bout d’interview, pour se faire une idée :
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