Après avoir envoyé du Batman pendant des mois et des mois, après avoir fini quelques séries majeures de Vertigo (100 Bullets, DMZ, Scalped…), Urban ressort les vieilles gloires des années 90. Preacher, Hellblazer, Sandman… Et Transmetro !
Spider Jerusalem est un journaliste. Mais pas n’importe quel journaliste. Certes, il s’est retiré dans les montagnes depuis plusieurs années, vivant en ermite, et tire au fusil et au lance-roquettes sur les admirateurs qui viennent le traquer dans sa tanière. Mais avant ça, il écrivait des articles incendiaires, dénonçant les malversations des grands de ce monde, et atomisant les hypocrisies et la veulerie de ses concitoyens. Et le voilà, hirsute et déjanté, qui revient en ville. Prêt à démolir une fois encore l’establishment et à fouiller la merde…
Warren Ellis est anglais. Son humour aussi, féroce et cynique. Dès lors, la collection Vertigo semblait conçue pour accueillir sa série. Darick Robertson est américain, il s’est donc frotté aux super héros avant de se lancer dans ce qui reste l’un de ses plus gros succès : Transmetropolitan. La série est, à ce jour, parmi les plus connues du label de DC Comics (après un démarrage dans feu Helix).
Paranoïaque et à moitié fou, voici le premier visage que l’on connaît de Spider. D’une méchanceté totale, sans la moindre considération pour les humains qui croisent sa route, le journaliste gonzo est pourtant le grand défenseur des causes perdues et des petites gens. Ellis en fait une sorte de misanthrope qui cache, sous son humour dévastateur et son mépris pour l’humanité, l’âme torturée d’un grand déçu de la vie qui espère toujours être surpris par son prochain. Au fil des pages, le lecteur découvre la folie frénétique de The City, la mégalopole décadente à qui Spider doit son succès, son inspiration et son propre malheur. Les prédicateurs arrivistes, les politiciens véreux jusqu’à la moelle, les magouilles financières, les médias tout puissants… Des maux connus, poussés ici à leur paroxysme par un auteur qui les abhorre. Mais si Jerusalem est un personnage iconoclaste, il est aussi je-m’en-foutiste et égocentrique, comme le dévoileront certains passages parfois poignants.
De son côté, Robertson croque un monde en pleine déliquescence avec férocité et bonne humeur. Dès les premières pages, ce Jerusalem chevelu et menaçant est une réussite. Et ce ne sera pas une douche défectueuse, et la perte de cheveux qui s’en suivra, qui va changer la donne. Les personnages sont bien sentis, le style très 80’s est un pur plaisir. D’autre part, les couvertures rassemblées en fin de volume sont autant de réussites signées par le dessinateur lui-même ou par le mythique Geof Darrow. Il convient cependant de souligner le fait que Vertigo, collection pour adultes de DC Comics, a toujours mis en avant ses scénaristes plus que ses dessinateurs ; Robertson est donc efficace, mais son dessin n’a pas l’aspect spectaculaire ou glamour des productions Image. Une autre conception de la bande dessinée…
La série vaut indiscutablement le détour, l’adaptation de Jérémy Manesse est de qualité. Urban corrige les défauts éditoriaux de Panini (qui avait réédité cette série en gros volumes souples mal fagotés). Après Preacher, voici donc réédité un autre premier tome d’un grand classique Vertigo, mordant et intelligent et qui mérite largement les lauriers dont il a été couvert.
Cette chronique est une version revue et corrigée de celle publiée par mes soins sur le site BDGest en 2007.
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