Comme il s’agirait quand même de ne pas perdre la main, voici une troisième petite sélection de comics en version originale. (Les 2 premières sélections sont ici et là).
Tout d’abord, et en léger décalage avec l’actualité cinéma, parlons un peu de Sin City (que j’ai chroniqué ici en tant que maousse classique), qui bénéficie pour le coup d’une intégrale tout juste ébouriffante. On parle ici d’un bébé de 1400 pages et 5,6 kgs, l’air de rien. L’équivalent donc des 2 gros volumes déjà parus chez Rakham, et des 7 tomes originels de la saga. Concernant la série elle-même, et par peur de paraphraser ma chronique citée ci-dessus, je vais réduire au maximum le nombre de mots : Grosse. Claque. Voilà, tout est dit : une série racée, puissante, au propos équivoque mais à la force graphique inégalable. Un increvable du polar hard boiled, du noir et blanc, et du comics indépendant.
Parlons maintenant d’un livre un peu particulier. Il s’agit de l’artbook (le premier à paraître hors du Japon) du génial Katsuya Terada.Son nom ne vous dit rien ? C’est bien normal, le bonhomme est peu prolifique et son travail est très ancré dans la culture asiatique, ce qui n’aide pas forcément à traverser les frontières. Disons simplement qu’il est l’auteur de la série Saiyukiden (2 tomes parus en 12 ans, un seul en français, Delcourt a fini par abandonner…), une adaptation flamboyante du Voyage en occident. Il est aussi le designer du moyen métrage bourrin et à l’esthétique visionnaire qu’est Blood the last vampire (je ne parle évidemment pas du mauvais film live). Mais en fait, le gros de son oeuvre, c’est son travail d’illustrateur, tout simplement. Le coup de crayon est fou, reconnaissable immédiatement, et sa mise en couleurs est simplement fantastique. L’éditeur Dark Horse a eu le nez creux, et offre ce bouquin à tous les fans de graphisme, et pour faire plaisir aux geeks, il a demandé à Guillermo Del Toro, le réalisateur de Pacific Rim, L’échine du diable ou Hellboy de signer la préface.
S’il est un super-héros (ou plutôt un personnage doté de super-pouvoirs, difficile de dire d’Al Simmons qu’il est un héros) qui a perdu de sa superbe ces dernières années, c’est bien Spawn. Succès considérable aux débuts d’Image Comics, dans les années ’90, il a peu à peu sombré dans la désuétude, aidé en ça par le tournant plus adulte des comics mainstream (de Batman à Spiderman, tous les grands personnages se sont endurcis) et le départ de son dessinateur emblématique, Gregory Capullo (qui nous émerveille désormais sur la série Batman). Mais n’oublions pas pour autant les grandes heures de ce personnage étonnant : soldat trahi par ses supérieurs et rejeté en Enfer, Simmons pactise avec un démon pour retrouver le ciel libre et sa femme, mais évidemment, les démons mentent, manipulent, et Simmons se retrouve chargé de mener les troupes infernales en guerre contre les anges – tout aussi fourbes et tordus… Si Todd McFarlane (le créateur) s’est clairement inspiré de Spiderman et Batman pour le design, le reste est un mélange déglingué de mysticisme, de romance et d’humour bien particulier. Pour fêter les 10 ans d’Image, McFarlane a chargé Ashley Wood, génial auteur australien, de dessiner une histoire sombre et sordide pour un annual. Suite au succès de ce qui devait être un évènement unique, Wood (puis Ben Templesmith, à l’esthétique proche) s’est retrouvé sur Hellspawn, thriller fantastique et violent, qui a ringardisé la série mère. Vous retrouverez ici l’ensemble de la saga, qui reste étonnante et d’une noirceur jouissive.
Finissons avec un ouvrage référent, ce genre de bouquin que les auteurs de BD et les illustrateurs conservent pieusement dans leur bibliothèque de documentation, et compulsent avec un mélange de respect et de jalousie. Car Alex Toth, c’est simplement la quintessence du comics en noir et blanc, le genre de dessinateur aussi brillant qu’anti-spectaculaire, ignoré du grand public parce que refusant l’esbrouffe, mais adulé de ses pairs pour la rigueur et l’inventivité de ses masses, de son noir, de ses lumières… Ayant gaspillé de nombreuses années à faire de l’alimentaire, Toth a malgré tout signé une oeuvre conséquente, principalement sur de grandes séries des années 50 à 80 : Zorro (dont un tome a été publié par Glénat, gloire leur en soit rendue), de nombreux récits dans les magazines de EC Comics, mais aussi l’histoire inaugurant Torpedo, petite pépite de polar noir déjanté, écrit par Abuli et repris ensuite par le brillant Jordi Bernet. Ce livre reprend ses illustrations et planches majeures, avec un supplément rédactionnel de qualité. Un indispensable pour les amateurs éclairés !
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