Ceux qui ont lu Martha Jane Cannary, trilogie flamboyante racontant la vie de Calamity Jane, ne se doutaient pas un seul instant du parcours hallucinant de son dessinateur. Matthieu Blanchin, de son trait puissant et jeté, avait réussi à donner une épaisseur et une humanité rare à un personnage vrai écrasé par la légende. Ce même Blanchin qui, en 2002, a connu près d’un mois de coma, après une lourde opération au cerveau…
Décrivant par le menu les étapes précédent, durant et après le fameux coma, ce bouquin percutant conserve le dessin jeté et presque maladroit de Blanchin. Presque, car ses accidents graphiques sont autant de témoignages, autant de vérités, la preuve que nous sommes face à du véridique, à un bonhomme qui raconte tout à l’ancienne. Écrivant ses souvenirs dans des cahiers d’écoliers, ne nous cachant rien de ce que certaines situations peuvent avoir de grotesques ou de gênantes pour ceux qui lui sont proches, Blanchin expurge une quantité effroyables de souvenirs, réels ou conçus, mais le plus souvent mixtes. Car durant ce coma, les évènements qui l’entourent, et qu’il perçoit, vont fusionner avec des rêves engourdis, et lui laisser des histoires qui ont force de souvenirs. Ce n’est qu’en en parlant, en les écrivant, en les comparant, avec sa femme, son psy, et toute les personnes qui l’entourent qu’il fera, peu à peu, le tri dans ce chaos.
D’une expérience physiologique redoutable, Blanchin avance vers un questionnement de son corps. Ce qui, dans les premières pages, apparaît comme une simple aide à avancer (il est alors en pleine déprime, ayant l’impression tenace de n’être qu’un poids, sentiment renforcé par de violentes crises d’épilepsie) finit par prendre une importance vitale. Sans juger de son parcours spirituel, lui qui finit par raconter quelques menues expériences de guérisseur (lui parle de « soulager » les autres) a clairement trouvé une forme d’apaisement et de compréhension de soi et des autres dans des domaines parapsychologiques que nous ne percevons pas nécessairement (ou pas positivement, pour beaucoup). L’auteur a cette honnêteté de se foutre totalement de ce que l’on pourra penser en lisant ces pages : il est au-delà de ça. Et son intérêt pour des sciences parallèles ne l’empêche pas d’être à l’écoute des médecins traditionnels qui l’ont sauvé, et d’autres qui l’ont aidé au quotidien.
La franchise de son témoignage est aussi un outil incroyable pour les personnes ayant connu un épisode comateux, qu’elles-mêmes ou un proche en soit touché. Blanchin, avec son dessin et sa narration musclés, a des armes pour raconter des choses qui ne sont que difficilement cernables. Il met des mots, des images, des impressions sur des concepts que bien peu peuvent s’expliquer, et encore moins détailler aux autres. Il est aussi arrivé, au fil de planches, à sortir de son carcan égocentré, et à parler de sa femme, perdue et seule, même quand il s’est réveillé (il racontait ses souvenirs imaginaires délirants, sans jamais s’intéresser à elle), ou de sa mère et sa propension, comme toutes les mères, à trop s’inquiéter et s’immiscer dans sa vie (allant jusqu’à appeler son psy).
Une boule de franchise, parfois dérangeante, mais qui bouscule tout ce que l’on imagine croire sur le coma et ses conséquences. Puissant !
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