Nous les morts, c’est la nouvelle série du label Série B, chez Delcourt. Écrite par Darko Macan, connu jusqu’ici pour son travail aux USA sur des séries de Star Wars, Grendel ou X-Men, et mise en images par l’impressionnant Igor Kordey, qui dessine plus vite que son ombre, cette création atypique est à la croisée des genres…
L’Europe, au XIVème siècle, connaît une épidémie apocalyptique, transformant en morts vivants anthropophages ceux qui en sont touchés. Cette peste noire dévaste le continent, et empêche l’exploration qui aurait pu conduire à la découverte des Amériques. Quelques siècles plus tard, les Incas, préservés de toute colonisation occidentale, sont intrigués par la survie des quelques européens ayant réussi à traverser les océans pour arriver jusqu’à eux. Parqués depuis plusieurs décennies dans un enclot, moribonds mais jamais morts, ils deviennent un sujet de curiosité – puis de fascination – pour le vieux chef des Incas, taraudé par l’idée de la mort. Il envoie ainsi ses fils vers l’Europe, les chargeant de découvrir la source de leur immortalité…
D’un scénario ayant largement sa place dans une collection intitulée Série B, Macan lance des pistes et des idées tous azimuts, et prend un malin plaisir à faire avancer ses personnages au pas de course. Du prince Inca maniéré et un peu allumé au prêtre zombifié qui suit, sans trop savoir pourquoi, cette troupe de mécréants emplumés, du roi Inca atteint de démence sénile aux guerres entre morts vivants, voilà une histoire qui ne joue pas l’économie, et fait valser les idées préconçues. Les trouvailles fusent, l’humour noir est omniprésent, et si certaines séquences flirtant avec l’érotisme et le sang qui imbibe chaque page peuvent troubler les plus sensibles, voici une série récréative et assez jubilatoire, qui mélange avec bonhomie aventure, zombies, uchronie, religion et culture aztèque (ce qui relève, d’emblée, de l’exploit improbable).
Et si le scénario fait dans la démesure, il fallait bien un trait aussi frappant et efficace pour l’illustrer. Macan, vieux routard du script aux États-Unis, a trouvé son compère en la personne de Kordey, un fou furieux stakhanoviste, dont le dessin racé et taillé dans le granit est désormais connu des amateurs de BD comme de comics. Lui qui dessine sans arrêt (on parle d’un gaillard qui a signé 30 tomes de l’Histoire Secrète en 10 ans, sans compter ses nombreux projets par ailleurs) nous envoie à la gueule des planches brutes, sans fioritures et au découpage parfois étrange, mais vigoureux. Les esthètes ne se reconnaîtront probablement pas dans son trait gras et ses trognes grimaçantes, mais il fait preuve d’une efficacité légendaire qui ne se dément pas, ici comme ailleurs. Une grande qualité parmi d’autres : ses personnages sont aisément reconnaissables, et ses nombreuses idées pour s’économiser du temps font le charme d’une BD qui fleure bon le bisseux et la déconne à la hussarde.
Voici une moitié de série (2 tomes parus sur les 4 prévus) qui aime surprendre son lecteur ! Fun et explosive, joyeusement foutraque et de mauvais goût, elle va sur un terrain peu exploré jusqu’ici (zombies & histoire), poussant même jusqu’à l’uchronie, le tout axé sur une civilisation guère exploitée en BD (les incas). Une excellente surprise pour les amateurs, à ne cependant pas mettre entre toutes les mains !
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