Que sont donc ces « trésors cachés » ? Ce sont des bouquins qui, pour des raisons X ou Y, sont passés légèrement inaperçus, ou tombés dans l’oubli après leur parution. Sans prétention aucune, je me propose de les remettre un instant en lumière, car ils méritent une seconde vie.
Pour inaugurer cette rubrique irrégulière, un petit objet précieux et touchant : En mer, de Drew Weing, chez Çà et Là.
Fauché et guère inspiré, mécontent de son art, un poète se morfond au bout d’un ponton en observant la mer, et finit par sombrer dans un profond sommeil. Le réveil est brutal : il a été embarqué, durant son sommeil, sur un navire en partance pour la Chine. Faisant contre fortune bon cœur, il subit les maltraitances et la rude vie de marin, aidé en cela par une constitution physique hors norme : c’est un colosse placide. Mais lors de l’attaque du bateau par des pirates, il se révèle un combattant furieux, et entame une lente montée en grade sur ce trois mats qui commence à devenir son foyer…
Premier livre de Drew Weing, En mer est avant tout une ode à la mer et à la vie de marin. Si le héros est convaincu que son talent manque d’un petit quelque chose, il découvre peu à peu que c’est la vie. Lui qui cherche à émouvoir et à transporter ses lecteurs en parlant de la Mer, ne la connait que du rivage. Son embarquement contraint est une aubaine inattendue, dont il ne découvre les bienfaits qu’après un pénible labeur. Faussement naïf, joliment narré, ce conte pour amoureux des belles histoires à l’ancienne est amené avec une délicatesse étonnante. Composant majoritairement ses pages d’une seule case ciselée de détails, Weing a fait le choix étonnant d’un ouvrage de petite taille (16,5 * 13,5 cm) qui prend finalement toute sa justification lorsqu’on se surprend à approcher l’ouvrage pour en scruter les recoins de chaque planche. Les dialogues sont rares, plutôt justes, et disparaissent avec bonheur lors de séquences purement contemplatives, déroulant des aventures que nous ne pouvons parfois que deviner.
La couverture l’annonce : un rêveur, les doigts croisés, la mer emplissant tout l’espace autour de sa tête. Cette fable maritime est servie par un dessin malin, détaillé sans préciosité, précis sans méticulosité, bref, un dessin riche et rappelant les gravures du XIXème siècle. Weing a saisi l’importance de l’ellipse, et ses pages mono-cases sont un ressort de compréhension étonnant : sans rien dire, sans entrer dans le détail, il nous narre une vie, une aventure, une découverte, qui amènera le héros vers son Art, le vrai, celui qui le fera lire… Mais qui l’éloignera de la fatuité du grand monde, celui de la Terre, celui qu’il a quitté.
Voici donc un petit objet splendide et pourtant sans prétention, mais que l’on se surprend à feuilleter dès qu’il trône sur une étagère. L’édition impeccable de Çà et Là n’y est évidemment pas étrangère, ni la traduction irréprochable de Fanny Soubiran. Entre Mac Orlan et Stevenson, un hommage parfait aux hommes de la mer, et à ceux qui les rêvent.
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