Rue de Sèvre, c’est cet éditeur qui évolue dans le sillage de l’École des Loisirs, et a déjà publié le très médiatisé Une histoire d’hommes (cliquez pour en (re)découvrir la chronique de Marie), de Zep. Si la qualité globale de leur catalogue ne souffre aucune discussion, force est de constater qu’ils n’ont, mis à part le Zep, pas encore trouvé LE livre qui les imposera dans le paysage très balisé de l’édition BD.
Ils l’ont peut-être trouvé, avec Cet été là, roman graphique massif de plus de 300 pages.
Premier élément intrigant : au dos du volume, une citation élogieuse de Craig Thompson, auteur du joli Blankets, et surtout de l’incroyable Habibi (chroniqué aussi, par Florian). Difficile en effet de ne pas rapprocher les thématiques abordées dans le premier livre de Thompson de celles développées par les cousines Tamaki. On parle ici de la fin de l’enfance, du début de l’adolescence, et de cette évolution parfois difficile à aborder qui modifient les rapports entre des amis d’enfance.
Nous découvrons Rose, jeune fille discrète et effacée, dont les parents possèdent une maison de vacances en bord de mer. Elle y retrouve chaque été Windy, la fille adoptive d’une voisine, véritable pile électrique, avec qui elle fait les 400 coups. Mais cette année, quelque chose est un peu différent : tout d’abord la relation tendue entre ses parents. Ils ne se parlent guère, et si son père fait bonne figure et essaie de profiter des instants de détente en famille, sa mère reste figée dans une attitude défensive et crispée, mettant la maisonnée sous tension. Rose va donc fuir, surtout lorsque son père, proche de la rupture, les laisse seules quelques jours. Mais aussi leur petite différence d’âge, avec Windy (1 an et des poussières) qui change tout.
Au fil des rencontres, des lentes journées à trainer sur la plage, à faire du vélo, à glander dans sa chambre, elle va voir ses centres d’intérêt modifiés, et lorgner de plus en plus fréquemment vers Dud, l’adolescent dégingandé vaguement rebelle qui tient le drugstore pour l’été. Ce même Dud qui a, semble-t-il, engrossé sa petite amie, et n’assume rien du tout, du haut de ses 16 ou 17 ans…
Avec son graphisme épuré et sa narration lente et délayée, Cet été là est la parfaite illustration de ces moments étranges où, à la fin de l’enfance, on prend conscience d’une modification autour de nous : les gens changent, leurs attitudes, leur façon de nous parler, de nous percevoir. Mais plus que tout, c’est la vision du monde de ces deux jeunes filles qui va se trouver chamboulé, les amenant à des sujets de grands : l’apparence physique, l’Amour, le sexe, et puis ces drôles de rapports parents-enfants, qui se faussent parfois, laissant des séquelles plus ou moins marquées, heurtant et brusquant les uns et les autres.
Cet été là, c’est probablement le bouquin de ce printemps, à emporter dans vos bagages cet été, parce qu’il est à la fois rafraichissant, avec ses personnages attachants et incarnés, mais surtout bien plus profond et malin qu’il ne veut bien le laisser croire. En laissant de côté ses compétences en matière de livres pour enfants, Rue de Sèvre trouve ici LE livre de la pré-adolescence, aussi emblématique qu’a pu l’être Blankets, Black Hole ou Ghost World pour l’adolescence. Moins noir, moins acide, mais tout aussi essentiel et touchant.
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