Oui, 2014, c’est un peu l’année du comics… Alors que ce mois de mai devrait voir arriver les parutions mensuelles en fascicules des éditeurs français (Urban, Panini et Delcourt) au magasin de Lausanne (nous serons les seuls à le faire, venez nombreux !), et alors que s’achève tout juste l’opération Super Héros, les éditions Urban publient cinq histoires majeures de l’histoire de Batman dans une édition noir et blanc en grand format, au tirage ultra-limité (3000 exemplaires).
D’aucuns diront que ce traitement est malvenu face au travail des couleurs sur certaines œuvres, nous verrons ici l’intérêt de chaque bouquin.
YEAR ONE
Ouvrage emblématique, bénéficiant du travail d’un Miller encore au sommet, cette réécriture des origines de Bruce Wayne et donc Batman, est un plaisir à redécouvrir en NB. Loin de l’anecdotique, ou de l’arnaque commerciale, cet ouvrage spectaculaire est une ode au dessin sobre et d’une efficacité toute « Tothienne » de Mazzucchelli. Sur le livre en lui-même, tout ou presque a été dit, mais cette édition est une réussite pour cette seule redécouverte : ce dessinateur est génial (et ce n’est pas son roman graphique Asterios Polyp qui me fera mentir).
THE DARK KNIGHT RETURNS
Allez, crions au loup avec tous ceux qui ont enfoncé ce livre avant même sa sortie : ce bouquin monumental, pierre angulaire de la vie éditoriale du personnage, a été pensé en couleurs, par la grâce de Lynn Varley et Frank Miller. Difficile, donc, de faire preuve d’indulgence : Urban n’a ici fait que basculer l’ouvrage en niveaux de gris, et Miller travaillant en noir et blanc, ce n’est pas Miller travaillant en couleurs. Les impacts graphiques de Sin City sont ici absents, et si la rigueur du dessin est toujours là, on ne peut s’empêcher d’être désappointé, surtout au vu du prix du livre…
AMÈRE VICTOIRE
Comme Mazzucchelli et quelques autres avant lui, Tim Sale est surement l’un des auteurs de comics les plus intéressants au sens strictement graphique. Si son dessin n’est pas virtuose ou explicite comme d’autres, il est puissant, racé, identifiable, et il présente une belle maitrise de la composition et de la disposition des masses. Cette édition était donc attendue, et si elle étonne parfois, elle est réussie, et franchement appréciable. Certaines planches sont en niveau de gris, mais le gros du livre est d’un noir et blanc impeccable. Quant au livre en lui-même, disons juste qu’il est parmi les plus réussis de l’univers de Batman, dans sa veine polar la plus noire.
LA COUR DES HIBOUX
Lors du fameux relaunch New 52 (DC, en perte de vitesse, a relancé en 2012 toutes ses séries à zéro, et publié 52 séries en même temps), Scott Snyder et Greg Capüllo se sont mis au travail sur LA série la plus attendue, celle dédiée au chevalier noir. Et si l’histoire développée par Snyder est réussie (les deux volumes dédiés à la Cour des Hiboux sont regroupés ici), le dessin de Capüllo est évident de force et de qualité. Le dessinateur, un peu oublié depuis son passage épique sur Spawn, revient ici brusquement sur le devant de la scène, et s’impose sans aucun doute comme le repreneur parfait pour ce personnage. La version noire et blanc est, une fois encore, réussie, et permet d’apprécier pleinement sa dynamique et ses mises en page parfois un peu chaotiques.
SILENCE
Jim Lee, dont le studio Wildstorm (WildCATS, Gen13, Authority) fut racheté par DC Comics en 1998, intégra le pool des auteurs maison. Professionnel aguerri, mais ayant perdu du temps et de l’énergie dans la gestion de son label, Lee voulait revenir au dessin. Il sera servi rapidement par Jeph Loeb, qui lui écrira un run au succès jamais démenti. Cette édition de Silence est, une fois encore, l’occasion de redécouvrir le travail d’un dessinateur et de son encreur (ici, le sempiternel Scott Williams) sans les couleurs, parfois écrasantes, qui lui sont apposées par la suite. Jim Lee, malheureusement, n’est pas le plus heureux dans cet exercice : son dessin calibré, presque mécanique, n’a rien de plus à offrir en noir et blanc. Un bel objet, donc, mais sans vraiment convaincre, si ce ne sont les fans les plus endurants.
Convenons qu’il s’agit là d’une bien belle initiative de la part d’Urban Comics, dont la qualité éditoriale reste jusqu’ici quasiment irréprochable. Si chaque volume n’est donc pas indispensable, si le choix des titres reste discutable, comme toujours, nul doute que les amateurs sauront trouver leur petit chouchou dans ces cinq titres, et que leur rareté en fera rapidement des objets de collection.
Laisser un commentaire