Nous étions tellement autonomes à seize ans, pourtant ça n’était pas au détriment de notre adolescence parce que, au cours de la semaine où vous obteniez votre permis de conduire, à LA, vous deveniez un adulte. Je me souviens de Jeff Taylor, qui avait eu sa première voiture avant aucun d’entre nous, venant, un soir d’école, chercher Thom à Beverly Hills, passant ensuite à la maison de Mulholland pour me prendre, et de nous roulant jusqu’à Hollywood, la cartouche huit pistes Glass Houses de Billy Joel avec le morceau «You May Be Right» à fond, pour aller voir Saturn 3 à une séance tardive dans un Cinerama Dome désert – c’était en février 1980. Je ne me souviens pas du film – un film de science-fiction interdit aux moins de dix-sept ans, avec Farrah Fawcett -, seulement de la liberté d’être livrés à nous-mêmes, sans parents sur le dos. C’était la première fois que nous prenions une voiture seuls pour aller voir un film à dix heures du soir, et je me souviens d’avoir traîné dans le vaste parking du Cinerama Dome vers minuit, partageant un joint dans un Hollywood désert, l’avenir grand ouvert.
Les Éclats de Bret Easton ELLIS
Plongée dans une adolescence Californienne
Les Éclats nous plonge dans la Californie des années 80. La drogue, le sexe et la violence rythment le quotidien de jeunes héritiers de riches familles. À travers le personnage autobiographique de Bret, Ellis nous offre une plongée dans son adolescence ainsi qu’une réflexion sur son parcours personnel et artistique.
On connaît Ellis pour son style provocateur et son regard acéré sur la société américaine. L’auteur iconoclaste revient en force avec ce roman. Le récit oscille entre passages nostalgiques et moments d’angoisse. Il narre habilement l’énigme du Trawler (‘Le Chalutier’), un tueur en série qui rôde dans les parages. Sans oublier les relations ambivalentes entre les personnages, qui zigzaguent entre amitié, amour et violence.
L’auteur ne ménage pas l’ambiguïté quant à son homosexualité, qui transparaît dans plusieurs passages du roman. Cette thématique est d’ailleurs centrale puisqu’on suit les aventures sentimentales et sexuelles du protagoniste. Celui-ci explore sa sexualité dans un milieu social conservateur et hypocrite. Le « viol » qu’il subit de la part du père de sa petite amie en est une illustration tragique et choquante.
Une jeunesse dorée qui s’ennuie dans l’opulence
Les Éclats est également une réflexion sur la société américaine de l’époque. La jeunesse dorée s’ennuie dans l’opulence et se réfugie dans les paradis artificiels pour fuir l’absence de repères et de valeurs. C’est ainsi qu’Ellis dresse un portrait sans concession d’une jeunesse désaxée, privilégiée et perdue, qui se cherche et se détruit.
Si les références musicales et culturelles des années 80 apportent une dimension nostalgique au roman, Les Éclats n’est pas rétrograde. Ellis y porte un regard critique sur l’époque, qui annonce déjà les dérives de la société de consommation. C’est pourquoi la génération X, dont il se revendique, s’y révèle la plus conservatrice de toutes. Sans doute en réaction à une liberté qui s’est transformée en étouffement.
Un come-back réussi dans le paysage littéraire américain
En somme, Les Éclats est un roman dense et poignant, qui offre un come-back réussi à Bret Easton Ellis dans le paysage littéraire américain. Si l’auteur en assume la dimension autobiographique, il ne s’enferme pas dans un exercice de style stérile. Au contraire, il livre une réflexion profonde sur l’adolescence, la sexualité, la violence et la société américaine des années 80.
Finalement, les fans de l’auteur retrouveront son style incisif et provocateur, tout en découvrant une facette plus intime et personnelle de son œuvre.
Disponible à la Fnac à partir du 16 mars : 🔗 Les Éclats
Laisser un commentaire