Poétesse, dramaturge et romancière, Kiran Millwood Hargrave est une plume à suivre! Elle maitrise les romans historiques à la perfection! S’emparant de faits réels, elle parvient à inventer une épopée autour de personnages féminins forts, jamais idéalisés et d’une justesse folle!
Les Graciées est un roman salé, aux parfums d’embruns et de flammes. Un roman historique âpre qui distille en vous de la colère, de l’indignation et de la sororité ! Un roman qui rend hommage aux « Sorcières » de Steilneset et met en lumière la folie des Hommes…
Elle m’avait complètement emportée avec son premier roman adulte, Les Graciées. La voilà qui recommence avec La danse des damnées!
Ce n’était pourtant pas un pari gagné d’avance, l’histoire se situant à Strasbourg en plein Moyen-Âge, ce n’est ni le lieu ni cette époque qui me font rêver… Ayant déjà lu le Jean Teulé traitant du même cas historique, je n’allais pas découvrir autant de choses que dans Les Graciées et son abject procès de sorcellerie. Et pourtant, la magie opère à nouveau.
Nous sommes donc à Strasbourg, à l’été de 1518. Sur la place principale de la ville, une femme se met à danser. Elle danse des jours durant, sans s’arrêter, infatigable, possédée. Strasbourg, ville maudite, ville de calamités, étouffe littéralement sous le soleil estival et ne se remet pas des révoltes paysannes qui la secouent ni de la famine qui l’accable. La guerre face aux Turcs ottomans gronde au loin et le souvenir de la comète s’étant écrasée sur la ville quelques années auparavant, attise ce sentiment de malédiction. Nous sommes à une époque de superstition, la religion régit le quotidien de tout un chacun et c’est dans ce contexte que commence ce merveilleux roman. Kiran pose le décor de façon magistrale, vous étouffez sous le poids de chaleur et de l’idolâtrie. Alors elle peut vous présenter les personnages de sa pièce. Principalement des femmes, archétypes parfaits de LA femme. Elles sont bonnes au mauvaises, fragiles ou dures, naïves ou sagaces mais toutes, absolument toutes sont inoubliables. En posant des personnages manichéens, Kiran permet d’embrasser toutes les femmes en un ensemble. Elle faisait déjà cela dans les Graciées, et si je préfère les personnages complexes et plein de nuances, l’autrice maitrise l’exercice et vous vous laissez faire. Il y a avant toutes les autres, Lisbet qui est à nouveau enceinte après de nombreuses fausse-couches. Lisbet, aux côtés de son mari et de sa belle-mère; Sophey, la terrible et rigoureuse Sophey. Lisbet s’occupe des ruches et de leurs abeilles, en attendant le retour d’Agnethe, sa belle-sœur, purgeant sept ans de pénitence dans les montagnes pour un crime que tous taisent. Et cette femme, qui se met à danser, sans musique, sans raison, en totale extase et qui sera rejointe petit à petit, par des centaines d’autres femmes.
Alors vous aussi vous entrez en transe, entre mystère, passion, danse, parfum du miel, chaleur de l’été, misère et piété, sur toile de fond d’apocalypse… Le récit est envoutant et totalement immersif; une toile complexe faite de petites intrigues, de grandes injustices et de secrets savamment disséminés par l’autrice. La condition féminine de l’époque vous écorche le cœur et ces 400 femmes qui dansent, certaines jusqu’à l’épuisement fatal, toutes soupçonnées d’hystérie, vous emportent avec elles dans une transe littéraire où l’apothéose n’est absolument pas ce que vous pouviez imaginer!
Un dénouement flamboyant, d’une tristesse folle mais qui répond à toutes les questions, qui absout toutes les peines et salue la grandeur de toutes les femmes!
Splendide!
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