Sarah n’avait pas tort. Susanne Sonneur aurait pu concevoir des doutes au sujet des qualités morales de son mari. De sa loyauté finalement. Mais a-t-on jamais envie, dans la vie, de se constituer des doutes ? Les doutes, à la première occasion, on préfère les dissiper, voir le bon côté des choses, se persuader d’avoir été trompé par des impressions fallacieuses. On aime se dire que tout va bien, que son mari est formidable. Qu’il vous protège de vos démons morbides.
Puiser dans la vie d’une femme pour en faire une fiction
Dans son dernier ouvrage, Éric Reinhardt revisite le schéma narratif qui a fait le succès de son roman « L’amour et les forêts » (2014). Une fois de plus, l’auteur nous plonge dans l’univers des jeux de miroir par une mise en abyme envoûtante. C’est ainsi qu’il tisse une nouvelle histoire d’un écrivain invité à puiser dans la vie d’une femme pour en faire une fiction.
Au commencement, en rémission d’un cancer, Sarah se découvre soudainement prisonnière d’une existence bourgeoise dépourvue d’émotions. Premièrement, mariée depuis vingt ans, elle se heurte à un époux distant, enfermé dans son bureau. Deuxièmement, la révélation que celui-ci détient l’essentiel de leurs biens provoque un électrochoc. Enfin, décidant de s’éloigner quelques semaines, Sarah se retrouve plongée dans un tourbillon de brutalité. Ce qui la conduit au seuil de la folie.
L’auteur maintient une longueur d’avance sur le lecteur
Sous la plume de l’écrivain, les confidences poignantes de Sarah donnent vie à Susanne. Elle est une création fusionnant les reflets de Sarah et les projections de l’auteur. Le récit progresse en un ballet incessant entre réel, symbolique et imaginaire. L’écrivain invite Sarah à peaufiner avec lui ce second personnage, faisant référence à son propre vécu. Réalité et distorsions s’entremêlent, plongeant Sarah dans l’ombre de sa propre vie.
Alors que Sarah partage son histoire, Susanne la vit à sa manière. En même temps l’écrivain y ajoute des éléments de sa propre vie. En conséquence, la narration s’accélère. Les fils se fondent en un seul, celui de l’acte créatif, mystérieux dans sa source. L’auteur maintient une longueur d’avance sur le lecteur. En effet, Reinhardt conçoit un dénouement inattendu qui défie les réalités patriarcales les plus méprisables.
Ce livre à la construction vertigineuse offre une voix à une femme qui refuse d’abandonner ses idéaux face à l’indifférence égoïste de son mari. Il emporte le lecteur, avec une originalité captivante, au cœur du processus créatif. Émotionnellement et intellectuellement absorbant, il séduit et émeut. En somme, il laisse une empreinte indélébile. « Sarah, Susanne et l’écrivain » est une œuvre qui transcende les frontières de la fiction pour toucher l’essence même de l’art et de la résilience.
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