Gertrude Stein
Qui est féru d’Art n’a pas pu passer à côté de Gertrude Stein, colosse de la culture, boulimique de connaissances, collectionneuse compulsive, étendard de l’avant-garde.
Elle les a tous côtoyés, ils l’ont tous peinte ; Picasso, Felix Vallotton, Picabia, Tal Coat, Francise Rose, Riba Rovira ou encore Warhol. Vous pouvez même rencontrer madame Stein, incarnée par la talentueuse Kathy Bates dans Minuit à Paris de Woody Allen.
Le style de Gertrude Stein est une forme de cubisme, une plume métaphysique, fragmentée, très peu ponctuée, à la répétition poétique. C’est en poursuivant mon challenge des sorcières que je me lançais dans ses écrits.
Le monde est rond

Le monde est rond – Stein Gertrud
« Il était une fois le monde rond et vous pouviez y tourner y tourner en rond. De toutes parts il y avait quelque part et de toutes parts il y avait hommes femmes enfants chiens vaches cochons sauvages petits lapins chats lézards et animaux. Il en allait ainsi. Et tout le monde chiens chats moutons lapins et lézards et enfants tout ce monde voulait tout raconter à tout le monde et tout ce monde voulait se raconter à tout le monde. Et il y avait Rose. Rose était son nom et aurait-elle été Rose si son nom n’avait pas été Rose. Elle avait l’habitude d’y penser et elle avait l’habitude d’y repenser. Aurait-elle été Rose si son nom n’avait pas été Rose et aurait-elle été Rose si elle avait été jumelle. «
C’est Rose qui, assise ou non sur une chaise bleue, voit le monde et les animaux autour d’elle. C’est Rose qui, avec ou sans son cousin Willie, pense, chante, pleure et va sur la montagne. Voilà pour l’histoire, si l’on veut une histoire.
Le livre parfait pour goûter le style de l’autrice. Un livre poème, un livre comptine. Gertrude Stein questionne le monde à hauteur d’enfant, de façon musicale, rêveuse et joueuse.
Autobiographie d’Alice Toklas

Autobiographie d’Alice Toklas – Stein Getrude
Personne n’a connu Gertrude Stein comme la fidèle Alice Toklas, amie et amante, qui vécut à ses côtés mais qui n’eut jamais le loisir de raconter sa vie ni d’écrire ses Mémoires. Par un curieux renversement des choses, c’est Gertrude Stein qui, au début des années 30, se substitue à elle pour se raconter à travers ce témoin.
» C’était l’époque où tout le monde à Paris avait vingt-six ans «
Un document précieux qui vous plonge au 27 de la rue Fleurus de Paris où Gertrude reçoit Cézanne, Picasso, Matisse et tant d’autre alors encore inconnu de tous.
Gertrude Stein a le don de faire parler tout le monde, et décrit, de manière toujours savoureuse, leurs rapports, leurs aventures, le visage de leur intimité.
C’est la chronique d’une époque, un livre passion, une histoire simple au souffle nouveau pour les années 1930
Livre malheureusement épuisé mais que vous trouvez en version numérique
Le sang sur le sol de la salle à manger

Le sang sur le sol de la salle à manger – Stein Getrude
« J’ai essayé d’écrire une histoire de détective ». Tels sont les propos de Gertrude Stein au sujet de son court roman. C’est au moment où elle est retirée à Billignin, dans le Bugey, qu’elle entreprend la rédaction de ce récit inspiré par plusieurs faits divers mystérieux ayant défrayé la chronique locale. Un roman policier sans enquêteur ni assassin, ni débauche d’hémoglobine, qui s’affranchit des codes du genre et diffuse les faits jusqu’au vertige. La singulière méthode d’investigation de Stein fait briller les relations des protagonistes avec brio.
pour continuer dans la vie de Gertrude Stein, je ne peux que vous conseiller ses essais sur l’art comme Tendres Boutons, son Picasso, son hommage à Henry James ou cette génialissime biographie où Philippe Blanchon la restitue à sa juste place : celle d’un écrivain unique impliqué avec énergie dans son siècle.

Gertrude Stein – Folio biographie
2 Comments
Bonjour, vous citez plusieurs peintres. Notamment Riba-Rovira.
Que pensez-vous de la Préface de Gertrude Stein pour la première exposition de Riba-Rovira en 1945 à Paris dans laquelle elle nous livre sa dernière vision de la peinture?
Riba-Rovira a fait son Portrait un an avant sa mort, ce tableau prend un parti opposé à celui de Picasso car Riba-Rovira donne une empreinte très hiératique empreint de noblesse et d’altérité. Comment prenez-vous cette interprétation esthétique?
Voici cette fameuse Préface de Gertrude Stein pour le peintre Riba-Rovira.
« par Miss Gertrude STEIN
Il est inévitable que quand on a vraiment besoin de quelque chose on le trouve. Ce dont vous avez besoin , vous attire comme un aimant .
Je rentrais à Paris après ces longues années passées dans une petite campagne, et j’ai eu besoin d’un jeune peintre, un jeune peintre qui m’éveillerait. Paris était merveilleux, mais où était le jeune peintre? Je regardais partout: mes contemporains et leurs suivants jusqu’au dernier. Je me suis promenée beaucoup, j’ai regardé partout, dans toutes les boutiques de peintures, mais le jeune peintre n’y était pas. Oui, je me promène beaucoup, beaucoup au bord de la Seine où l’on pêche, où l’on fait de la peinture, où l’on promène les chiens (moi je suis de celles qui promènent leurs chiens). Pas un jeune peintre !
Un jour, au tournant d’une rue dans une de ces petites rues de mon quartier, j’ai vu un homme faisant de la peinture. Je le regarde, lui et son tableau, comme je regarde toujours tout le monde qui fait quelque chose j’ai une curiosité inlassable de regarder- et j’étais émue. Oui, un jeune peintre !
Nous commençons à parler, car on parle facilement, aussi facilement que dans les routes de campagne, dans les petites rues du quartier.
Son histoire était la triste histoire des jeunes de notre temps. Un jeune Espagnol qui étudiait aux Beaux-Arts à Barcelone: la guerre civile, exil, camp de concentration, évasion , Gestapo, encore prison, encore évasion… Huit ans perdus ! S’ils étaient perdus, qui sait? Et maintenant un peu de misère, mais quand même la peinture.
Pourquoi ai-je trouvé que c’était lui le jeune peintre, pourquoi ? Je suis allée voir ses dessins, sa peinture: nous parlons.
J’ai expliqué que pour moi, toute la peinture moderne est basée sur ce que Cézanne a manqué de faire, au lieu de se baser sur ce qu’il a presque réussi à faire. Quand il ne pouvait pas faire une chose, il l’a détournée et l’a laissée. Il a insisté à montrer son incapacité, il a étalé son manque de réussite: montrer ce qu’il ne pouvait faire, lui est devenu une obsession. Les gens influencés par lui étaient aussi obsédés par les choses qu’il ne pouvait pas atteindre et ils commencèrent le système de camouflage. C’était naturel à faire, c’était même inévitable: cela est devenu bientôt un art, dans la paix et dans la guerre, et Matisse a camouflé et insisté en même temps sur que Cézanne ne pouvait pas réaliser, et Picasso a camouflé, joué et tourmenté toutes ces choses.
Le seul qui voulut insister sur ce problème, fut Juan Gris. Il a persisté en approfondissant les choses que Cézanne voulait faire, mais ce fut une tâche trop dure pour lui: il mourut en la faisant.
Et maintenant voilà, je trouve un jeune peintre qui ne suit pas la tendance de jouer avec ce que Cézanne ne pouvait pas faire, mais qui attaque tout droit les choses qu’il a essayé de faire, de créer les objets qui doivent exister, pour, et dans soi-même, et pas en relation.
Alors, je suis fascinée. Ce jeune peintre a sa faiblesse et sa force. Sa force le poussera dans ce chemin. Je suis fascinée et c’est pourquoi il est le jeune peintre dont j’avais besoin. C’est François Riba-Rovira.
Gertrude STEIN
Sources :
Yale University USA « A LA RECHERCHE D’UN JEUNE PEINTRE » Gertrude Stein
Revue Fontaine n°42 Mai 1945 p.287-288, Gertrude Stein & Riba-Rovira, édition Paris ,directeur Pol-Max Fouchet
Catalogue Exposition Riba-Rovira Mai 1945 Galerie Roquepine Paris
Photo du portrait de Gertrude Stein peint par Riba-Rovira présent dans 3 catalogues en 2011/2012 :
-« The Stein’s Collect: Cezanne, Matisse, Picasso and the others… » San Francisco & New York page 260 n°203
– « Seeing Gertrude Stein:five stories » page 163 n°130 San Francisco & Washington
« Aventure des Stein: Cézanne ,Matisse ,Picasso… » Paris page 349 fig.41
Bien à vous
Bonjour l’Etoile! Votre commentaire me cueille avant le levé du soleil et entre les effluves de mon café et celle de ma cigarette, je n’oserais poser une critique sur les dires de Gertrude Stein. La libraire et lectrice que je suis se permet juste de souligner que là encore l’autrice nous montre son talent de critique d’art et à quel point son intelligence est fine. Merci pour vos mots