Les prix littéraires, décernés à chaque rentrée, sont de jolis marronniers en librairie. Si le Prix Fnac est le tout premier à se dévoiler, le Prix Décembre 2022 vient tout juste d’être décerné à Lola Lafon pour Quand tu écouteras cette chanson. L’ouvrage, paru dans la génialissime collection Ma nuit au musée, est également récompensé par le Prix Les Inrocks 2022.
Le I8 août 2021, j’ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l’Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu’il n’en sait pas grand-chose. Comment l’appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment. Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre ? Celle d’une jeune fille, qui n’aura pour tout voyage qu’un escalier à monter et à descendre, moins d’une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l’imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J’imaginais la nuit propice à accueillir l’absence d’Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s’est habitée, éclairée de reflets ; au cœur de l’Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver.
Vous n’avez pas pu manquer l’annonce du Prix Nobel de Littérature décerné, à juste titre, à la merveilleuse Annie Ernaux (pour les fâcheux, Houellebecq l’aura une autre fois, respirez…) mais peut-être que le prix de l’Académie Française vous est passé à côté. Il a été décerné au grandiose Le mage du Kremlin de l’Italo-suisse Giuliano da Empoli.
On l’appelait le « mage du Kremlin » . L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre… Ce récit nous plonge au coeur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir. De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine. Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.
L’évènement littéraire est loin d’être terminé puisque plusieurs prix sont encore sous la loupe des jurys. Petit tour d’horizons des sélections encore en lisse.
Prix Goncourt
Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin, Gallimard
Brigitte Giraud, Vivre vite, Flammarion
Cloé Korman, Les Presque Sœurs, Seuil
Makenzy Orcel, Une somme humaine, Rivages
Proclamation le 3 novembre
Prix Interallié
Pierre Adrian, Que reviennent ceux qui sont loin, Gallimard
Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin, Gallimard
Fabrice Gaignault, La Vie plus douce, Grasset
Philibert Humm, Roman fleuve, Equateurs
Pascale Robert-Diard, La Petite Menteuse, L’Iconoclaste
Proclamation le 9 novembre
Prix de Flore
Emma Becker L’Inconduite, Albin Michel
Joffrine Donnadieu Chienne et louve, Gallimard
Clovis Goux Les poupées, Stock
Anthony Passeron Les enfants endormis, Globe
Basile Panurgias Le doute, Robert Laffont
Proclamation le 10 novembre
Prix Renaudot
On était des loups, de Sandrine Collette, J-C Lattès
Les Liens artificiels, de Nathan Devers, Albin Michel
Le Dernier des siens, de Sibylle Grimbert, Anne Carrière
Un Chien à ma table, de Claudie Hunzinger, Grasset
Performance, de Simon Liberati, Grasset
Trouver refuge, de Christophe Ono-dit-Biot, Gallimard
Proclamation le 3 novembre
Prix Medicis Français
Emmanuelle Bayamack-Tam La Treizième Heure, POL
Diaty Diallo Deux secondes d’air qui brûle, Seuil
Virginie Despentes Cher connard, Grasset
Claudie Hunzinger Un chien à ma table. Grasset
Victor Jestin L’Homme qui danse, Flammarion
Olivia Rosenthal Un singe à ma fenêtre, Verticales
Monica Sabolo La Vie clandestine, Gallimard
Anne Serre Notre si chère vieille dame, Mercure de France
Proclamation le 8 novembre
Prix Medicis Étranger
Maria Sonia Cristoff Mal d’époque, Le Sous-Sol
Gyrdir Eliasson Requiem, La Peuplade
Andreï Kourkov Les abeilles grises, Liana Levi
Nicola Lagioia La Ville des vivants, Flammarion
Leila Mottley Arpenter la nuit, Albin Michel
Maria Stepanova En mémoire de la mémoire, Stock
Colm Toibin Le Magicien, Grasset
Allen S.Weiss L’Autobiographie de Teddy, Gallimard
Proclamation le 8 novembre
Prix Femina Français
Vivre vite, de Brigitte Giraud, Flammarion
Le cœur ne cède pas, de Grégoire Bouillier, Flammarion
Tenir sa langue, de Polina Panassenko, L’Olivier
Le dernier des siens, de Sibylle Grimbert, Anne Carrière
Un chien à ma table, de Claudie Hunzinger, Grasset
Quand l’arbre tombe, de Oriane Jeancourt-Galignani, Grasset
Proclamation le 7 novembre
Prix Femina Étranger
La dépendance, de Rachel Cusk, traduit par Blandine Longre, Gallimard
Les abeilles grises, d’Andreï Kourkov traduit par Paul Lequesne, Liana Levi
Le magicien, de Colm Toibin, traduit par Anna Gibson, Grasset
Vers le paradis, d’Hanya Yanagihara traduit par Marc Amfreville, Grasset
Proclamation le 7 novembre
J’ai des chouchous dans toutes ces listes, évidemment! Mon énorme coup de cœur pour Cher Connard, mais je pense que Virginie Despentes se fout comme de l’an 40 de recevoir un prix! Un Goncourt pour Makenzy Orcel? Ce serait merveilleux! Ses romans sont de la dentelle, sublimes, profonds, puissants! Il est une voix particulière dans la littérature: à découvrir urgemment! Pour le Médicis étranger, mon cœur balance entre le Arpenter la nuit et le Euphorie sans parler des Abeilles grises!
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