Nous sommes le 31 mars et c’est la journée internationale de visibilité transgenre. Je voudrais célébrer cette journée avec un roman lumineux, époustouflant et d’une rage sublime: Les Vilaines de Camila Sosa Villada
Chaque page de ce livre contient une perle qui te crache à la figure la beauté de ses vies et tout le brio de ce roman ! On pourrait en faire un livre de citations tant les mots sont beaux! Des fulgurances, des tournures littéraires, des éclaires de poésie qui te déchirent, te transportent, t’élèvent! Tout y est sublime: de la détresse au destins incroyables, de la misère à la solidarité, de la violence crasse à la joie!
Bienvenue dans le parc Sarmiento, à Córdoba, en Argentine. Ce parc est un abri pour la communauté transgenre, qui, le soir tombé, devient le lieu d’un étrange balai et le territoire des prostituées trans. Ce parc cache un autre abri: la pension aux murs roses de la Tante Encarna. Mère protectrice avec des seins gonflés d’huile de moteur d’avion, elle bat le pavé de ses talons aiguilles et partage sa vie avec sa sororité d’orphelines. Résistant aux bottes des flics et des clients, elles échangent sur les derniers feuilletons télé, les rêves inavouables, l’amour, l’humour et aussi des souvenirs qui rentrent tous dans un petit sac à main en plastique bon marché. L’histoire commence quand on découvre un nourrisson dans un buisson. Si la communauté trans n’a pas le monopole de l’empathie ou de la solidarité, elle sait ce que signifie être abandonné. Cet être fragile sera sauvé des griffe de l’arbuste et c’est comme une renaissance… S’extraire d’un milieu hostile pour pouvoir vivre sa vie, devenir, exister enfin! Dans ta face la première allégorie majestueuse! Ce bébé sera nommé Éclats des yeux, comme chacune a du se trouver un nouveau nom. L’adoption et l’éducation de l’enfant devient le fil conducteur du roman mais c’est bel et bien de toute une galerie de personnages flamboyants dont on vous parle.
Sans misérabilisme, Les Vilaines raconte la fureur et la fête d’être trans. Entre conte de fée et témoignage, empli d’une mythologie folle: homme sans-tête, femme corbeau, Les Vilaines est un manifeste brûlant, une déclaration d’amour, une dénonciation, un roman à la beauté rare qui nous fait ressentir la douleur et la force de survie d’un groupe de femmes qui auraient voulu devenir reines mais ont souvent fini dans un fossé.
Camila Sosa Villada parle de ses sœurs, de leurs corps, de leurs douleurs, des peurs et des drames. Elle raconte les injustices et la violence sans aucun filtre: parce que la société n’en a aucun envers elles. C’est cru, dur, brutal parce que c’est réel. Et pourtant ce n’est jamais vulgaire. Au contraire… L’écriture est si belle, si fine, si empli de rage de vivre que tout est lumineux! Parce que la vie de cette communauté n’est ni vulgaire ni immorale! Ce qui est immoral et indécent, c’est la bien-pensance du voisinage, la violence des clients, le mépris quotidien, le passé de ces femmes incroyables. Le passé, parce qu’aujourd’hui elles sont devenues des louves, maitresses de leur destin et que leur soif de vivre est contagieuse!
Les Vilaines est un lecture vertigineuse qui m’a remué profondément! C’est un livre vivant, vibrant. Les fêlures des personnages de ce roman sont réelles mais pas inhérentes à la condition trans; elles nous renvoient à nos préjugés, parce que ce sont eux qui créer les failles, les douleurs et qui tuent. Ce roman est une confidence et quand quelqu’un se confie à votre oreille, votre devoir est de l’écouter!
La lumière nous dénonce, nous expulse.
Dans le parc c’est l’hiver, le froid est si intense qu’il fait geler les larmes.
Durant des années, j’ai gardé en moi la crainte du regard féroce des animaux pris au piège, ces animaux qui savent qu’ils vont mourir et qui, à l’intérieur d’eux-mêmes, reçoivent l’ordre de faire quelque chose. Leur vie entière se concentre alors dans leurs crocs, bouillant d’écume et de rage. Le regard de mon père quand il buvait était le même.
Ce que la nature de te donne pas, l’enfer te le prête…
Nous sommes comme un après-midi sans lunettes de soleil. Notre lumière aveugle, elle offusque ceux qui nous regardent et elle leur fait peur.
comment a-t-on pu inventer ces chaussures en plastique, tellement hautes que de là-haut on pouvait voir le monde entier, tellement hautes qu’on avait pas envie d’en descendre, tellement hautes que les clients nous priaient de ne pas les enlever, et ils les léchaient en espérant savourer un peu de la gloire trans, cette frivolité si profonde, ces grands panards de garçon couronnés par des chaussures de prostituée princière.
Le désir de mourir remonte à mon enfance, un fantasme de suicide précoce, qui m’accompagne depuis que je suis petit. Je sais qu’il est là, je l’identifie clairement, je le distingue parmi tous les désirs possibles, mais j’ignore encore que je m’en libérerai en devenant trans, je ne sais pas encore que, contrairement à ce qu’on m’avait annoncé, le salut pour moi allait être une paire de chaussures à talons et un rouge à lèvres couleur vieux rose.
Mais la vie ne pourrait pas fonctionner sans nous, là, expulsées de tout. L’économie s’effondrerait, l’existence sauvage dévorerait toutes les normes si les putes ne donnaient pas de l’amour charnel. Sans les prostituées, ce monde sombrerait dans la noirceur de l’univers.
Dehors, dans la cour, avec les larmes de nos robes que nous avons essorées, ajoutées à celles que nous continuions à verser pour lui, nous avons rempli une piscine en plastique et pris un long et paisible bain, en silence, entièrement nues, tandis que l’après-midi rougissait et que notre douleur le rendait plus rouge encore.
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