Mon père a fait une photo de l’enfant que j’étais en ces temps lointains de l’Ermitage. Je suis assis, très droit, très sage, dans le canapé du salon de la rue des Tournelles, vêtu d’un pull multicolore à rayures horizontales, le visage doux et les cheveux bien peignés, avec une raie consolidée par un filet de salive. Mon regard est droit, il est franc, il est offert, on lit de la bonté dans ce visage. Jai de la tendresse pour le petit garçon que j’étais à ce moment-là. Moi, je ne m’aimais pas beaucoup à cette époque, je n’étais pas heureux, je venais d’être arraché de Bruxelles, la ville à jamais ensoleillée de mon enfance, pour être envoyé en pension à Maisons-Laffitte. Je me suis très vite replié sur moi-même, j’ai commencé à me cogner aux arêtes du réel, j’étais empêtré dans mon corps qui était en train de se transformer, mais il y avait en moi à ce moment-là, comme peut-être plus jamais par la suite à ce point d’incandescence, une bonté, une bonté intacte.
Réflexions intimes empreintes de mélancolie
Dans son dernier ouvrage, L’Échiquier, Jean-Philippe Toussaint se dévoile d’une manière nouvelle. Éloigné de la fiction, il nous plonge dans un récit personnel, empreint de mélancolie. En effet, voici à la fois un essai sur la littérature, et des réflexions intimes, le tout agrémenté de délicieux passages sur la traduction.
Dès le début, en 2020, l’auteur se rend à Ostende pour finaliser « Les Émotions ». Du coup, le confinement vient perturber sa routine, le laissant sans occupation à Bruxelles. C’est là, dans cette atmosphère apaisante et silencieuse, qu’il redécouvre l’écriture. Faisant ainsi écho à ses débuts avec « La Salle de Bains« , son premier succès.
Cest ainsi que progressivement, les souvenirs intimes se déroulent comme un tapis. En conséquence, Toussaint nous offre une rétrospective de sa vie. Premièrement, il évoque son apprentissage de l’allemand à Berlin dans les années 90. Deuxièmement, sa passion pour les échecs, où son père ne lui laisse jamais la victoire. Enfin, l’ami étudiant au destin tragique, mais génie des échecs. Zweig et Nabokov se glissent également dans les pages, enrichissant le récit.
L’impact du confinement sur la création artistique
Toussaint nous emmène en sauts et gambades à travers la complexité fascinante de sa pensée. Cependant il doit nous ramener au présent, marqué par le Covid. Ainsi, « L’Échiquier » devient une fenêtre unique pour comprendre l’impact du confinement sur un artiste. En somme, c’est une réussite.
Dans ce récit introspectif, l’auteur nous offre une perspective rare, dévoilant ses passions, ses influences et ses réflexions profondes. « L’Échiquier » transcende les genres pour nous offrir un témoignage intime, teinté d’une profonde réflexion sur la vie et la littérature. C’est un incontournable pour les amateurs de Toussaint et une porte d’entrée captivante pour ceux qui découvrent son univers littéraire.
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