L’autre nom du bonheur était français de Shumona Sinha
Le Bengali langue natale du patriarcat et de la censure
Shumona Sinha n’emploie pas le terme langue maternelle mais lui préfère celui de langue natale.
En effet, le langage de sa mère, fragile et dépressive, c’était la trahison, l’imprévisible, l’instabilité.
Le livre est devenu pour moi sacré, non dans le sens religieux mais vital et éthérique. J’y trouvais refuge et j’oubliais les gueulantes, crises, hystéries de ma mère, j’oubliais les menaces d’un effondrement total et le temps qui pesait sur moi comme un mauvais présage, suspendue dans un hamac tissé de mots.
En revanche, auprès de son père, l’autrice trouvera appui rationalité.
Economiste de renom, marxiste convaincu, il inculquera à sa fille des valeurs de justice et un goût prononcé pour le cartésianisme.
En résumé, le curseur pointe déjà en direction d’une culture et d’un langage qu’elle ne va pas tarder à découvrir.
Finalement, lorsqu’elle apprend la langue française à 22 ans, Sinha connaît une transformation radicale.
En d’autres termes, une renaissance dans un nouveau territoire à défricher, la langue française.
Errer dans Paris, un refuge où croître
En conséquence, dès son arrivée en France, elle sillonne Paris en véritable éponge, assoiffée, impatiente de s’immerger complètement.
Toutefois, avec le temps, la réalité reprend ses droits sur l’utopie. Même dans sa terre d’adoption, Shumona Sinha connaît les assauts du sexisme et du racisme.
Désormais elle se sent apatride et elle en fait le récit poignant et sincère dans un style sec et tranchant qui m’a touché.
Je suis arrivée au point de non-retour où mon pays natal m’est inaccessible, inhabitable, et mon pays d’adoption reste toujours inatteignable. Ma patrie n’est ni l’Inde ni la France mais la langue française — cette déclaration jubilante que j’ai faite il y a quelques années est devenue une vérité triste. Et cette patrie elle-même subit désormais des attaques.
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