La première fois que la grand-mère a mangé du homard, c’était avec le grand-père, pendant leur voyage de noces à Venise, dans un petit restaurant avec vue sur le Canale della Giudecca, près de la Fondamenta degli Incurabili. La surface de la lagune scintillait comme si elle avait été couverte d’écailles des truites de leur pays, et les bateaux se déplaçaient sur l’eau comme des chenilles, tandis qu’ils étaient tous deux époustouflés par cette opulente vie à deux.
Époustouflés pendant des journées entières, même une fois rentrés chez eux.
Appréhender la mort avec sérénité et poésie
Voici un récit poétique sur l’enfance, le deuil et la vie après la mort. Au commencement, Semadeni nous entraîne dans un monde tout en sensibilité où l’on suit une petite fille rentrant de l’école. On ressent avec elle la chaleur du goudron sur la peau. On entend les cloches sonner midi et on découvre la chèvre qui la suit partout. D’emblée, cette immersion totale nous invite à poursuivre la lecture.
De plus, au fil des pages, on découvre l’univers d’un petit village encaissé dans les montagne. La mort y fait partie intégrante du quotidien. La grand-mère de la petite fille, personnage fort et sage, explique que l’âme des défunts revient toujours là où elle a habité. C’est ainsi qu’on appréhende la mort en ces lieux, avec sérénité et poésie. Les personnages atypiques du village, tels qu’Elsa et son amoureux invisible, Elvis, ajoutent une dimension magique et fantastique à l’histoire.
Continuer à vivre malgré tout
Le récit s’égrène en petites vignettes, avec fluidité, telles les scènes d’un film. L’autrice y aborde les thèmes du deuil et de la mort de manière subtile. Toutefois, elle ne tombe jamais dans le pathos. Effectivement, le lecteur découvre peu à peu les conséquences du drame qui a touché la famille de la petite fille. Ainsi que les ruses qu’elle met en place pour continuer à vivre malgré tout.
Un roman sur l’enfance, le deuil et la mort, où la poésie et la magie se mêlent à la réalité
Par dessus tout, on appréciera un style d’écriture remarquable, tantôt poétique, tantôt réaliste, mais toujours juste. Dans l’ensemble, Leta Semadeni utilise des mots simples pour décrire des situations complexes, avec une grande acuité. En outre, le roman est parsemé de références culturelles, notamment littéraires, qui enrichissent le récit et renforcent l’univers du roman.
En conclusion, « Tamangur » est un roman sur l’enfance, le deuil et la mort, où la poésie et la magie se mêlent à la réalité. Bref, un premier roman réussi qui révèle un véritable talent d’écriture.
(Le Grand Prix Suisse de Littérature 2023 est décerné pour l’ensemble de l’oeuvre de Leta Semadeni)
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