Issa, Chérif, Astro et les autres
En défense de ses frères, comme elle les appelle, Diaty Diallo, dans un premier roman remarqué, décrit le quotidien des jeunes de banlieue.
En d’autres termes, diversité, solidarité, banalité.
Au commencement, au pied de la pyramide, les groupes se forment et tuent le temps du mieux qu’ils le peuvent.
On est débrouillards. On est joyeux.
Mais nos réjouissances n’en sont pas pour tout le
monde. Il y en a qui ne nous voient que comme les
rejetons braillards d’ascendants qui avaient au moins
la délicatesse de la fermer. C’est vrai qu’on fait ça, par-
ler fort, mais on est quand même loin de passer toutes
nos nuits à beugler sous des fenêtres. On a juste besoin
d’agitation, un peu. Attiser des feux, se raconter des
trucs pour passer les jours qui rallongent et même ceux
qui raccourcissent en fait et puis danser parfois.
Pas grand-chose en somme.
Ensuite, les visites incessantes des « dépositaires » (de l’autorité, la Police) rythment les journées.
Finalement, humiliations à répétition, insultes et chicanes arbitraires, on réunit petit à petit tous les ingrédients, désormais un rien peut déclencher la violence.
Par dessus-tout, l’autrice dispose d’une large palette d’écriture.
C’est ainsi que sa plume, hyper-sensible, passe aisément d’un style rugueux à des envolées poétiques, le tout avec agilité et précision.
Le 14 juillet fête la Révolution, non ?
De surcroît, suite à une virée à Paname le 13 juillet, la bande se retrouve, au petit matin, place de l’Opéra, devant les préparatifs du défilé de la fête nationale.
Digressions sur le sens à donner à un défilé militaire qui commémore quoi, au juste ?
Du haut de cette pyramide, qui nous contemple ?
Le 16 juillet, ce qui devait arriver, arrive.
Samy, le petit frère, la mascotte, tombe sous les balles des dépositaires.
En conséquence de «l’accident» inéluctable, une ligne invisible est franchie.
Désormais, la riposte de la Cité s’organise.
Mécanique tragique, la violence appelle la violence, quand finira le duel ?
Je suis pas mal énervé.
Je suis pas mal énervé parce que, vu le nombre de
potes à nous qu’on a récupérés dans des états sombres à
la sortie de nos trop nombreuses gardes à vue, je savais
qu’un jour ça irait plus loin qu’une gueule en sang.
Qu’on finirait par perdre quelqu’un dans cette bataille
qui n’est même pas la nôtre. Une bataille à laquelle on
n’a jamais pigé grand-chose. On savait qu’on perdrait
quelqu’un, simplement on ne savait ni qui ni quand.
On savait juste qu’il s’agirait de celui de trop.
Boum
La dernière partie du récit se distingue par un lyrisme envoûtant d’une grande force.
Un feu d’artifices en guise de manifeste, en somme.
Zoom arrière, la banlieue offre le spectacle désolant d’un embrasement programmé.
Je suis ressorti de cette lecture estomaqué.
En conclusion, Diaty Diallo a réussi son pari, elle a trouvé les mots pour nous ouvrir les yeux, ses frères sont vengés.
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