Yes n’était pas une chienne bien élevée. Et pas si gracieuse que ça. Pas si fragile non plus. Une petite brute. Une bombe. Une petite bombe d’enfer. De l’énergie pure. Je n’étais pas gracieuse non plus. J’avais le corps charpenté d’un arbre, d’un vieil arbre qui avait perdu le sens de l’équilibre, un peu vacillant, mais avec encore de l’imagination et un reste d’énergie. On allait ensemble.
Un chien à ma table de Claudie Hunzinger
Une fuyarde baptisée Yes
D’abord, il y a la rencontre d’un chien errant.
Par dessus tout, la narratrice, Sophie, tente d’apprivoiser l’animal maltraité.
Ensuite, avec son compagnon, Grieg, elle se remémore les différents chiens de leur vie de couple.
Quant à Claudie Hunzinger, elle n’a pas son pareil pour décrire avec passion son rapport à la nature.
Grieg, Sophie et Yes, un trio retiré aux Bois Bannis
Le couple reclus qu’elle forme avec son compagnon a élu domicile au Bois Bannis, bien nommé terrain éloigné de tout.
Pour lui, la lecture comptait beaucoup plus que pour moi. Elle était tout. Il dormait le jour, il lisait la nuit, habitant dans les livres, survivant grâce à la littérature. Alors que moi j’en sortais, je voulais le dehors, sans cesse aller dehors, pleuvoir, neiger, pousser, tourbillonner à gauche, à droite.
Grieg lui, non. Il ne sortait plus et lire l’avait transformé en bibliothèque.
C’est ainsi qu’une fois rebaptisée Yes, comme un oui à la vie, la chienne prend toute sa place dans la maisonnée.
Poésie en prose
L’écriture est envoûtante, extrêmement poétique, et ne manque pas sa cible : un monde à la dérive, en mode autodestruction.
On sentait bien que sous nos pieds la moraine s’était ébranlée, que ses rochers géants basculaient, que la Terre basculait, que l’humanité basculait, qu’on était entrés dans l’ère d’un basculement, grand à vous donner le vertige. Les forêts brûlaient. Les océans agonisaient. Le permafrost fondait libérant des virus préhistoriques comme autant de zombies. Les villes s’étendaient, immenses, nouvelles, et rien qu’à les voir, on savait qu’on ne retournerait pas en arrière.
Quoi qu’il en soit, je défie quiconque de rester insensible aux pages consacrées à l’agonie imaginaire de son compagnon de 60 ans.
En conclusion, émotive, foutraque, complètement régénérée par sa rencontre avec le petit animal, la narratrice nous embarque avec une générosité débordante qui réchauffe le coeur.
Combien de fois cela m’est-il arrivé, de croiser le regard du chien et d’y trouver d’emblée loyauté, complicité, profondeur, goût du jeu ? En connexion immédiate et totale ? Alors que dans le meilleur des cas, le regard de l’humain allant avec ce chien me laisse sur le qui-vive, avec au fond de moi un étrange réflexe de fuite, lui préférant l’autre monde. Celui du chien.
(Pour lire un extrait, cliquer ici)
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