Youssef Nabil est né au Caire (Egypte) en 1972. Enfant il nourrit son imaginaire des films égyptiens noir et blanc des années 40 et 50. Après une maîtrise de littérature française à l’université du Caire, il rencontre en 1992 le photographe arménien Van Leo (maitre de la photographie de portrait) cette rencontre sera fondatrice artistiquement pour Youssef. En 1993, il devient l’assistant à New York de David Lachapelle puis celui de Mario Testino à Paris. Fort de cette expérience, Youssef développe son propre style et se consacre exclusivement à son travail personnel. En 1999, il expose pour la première fois au Caire, puis en 2001 sa première exposition individuelle a lieu au Mexique. Les photos de Youssef Nabil se distinguent par la colorisation à la main de ses tirages noir et blanc. Son travail est avant tout intimiste, il s’est notamment illustré en photographiant artistes et intellectuels et en réalisant de nombreux auto portraits. Aujourd’hui Youssef Nabil vit et travaille à New York. Rencontre.
Jean : « C’est une révélation traumatisante qui vous pousse à la photographie…«
Youssef : « En effet à l’âge de 5 ans en regardant un vieux film Egyptien j’ai demandé à ma mère où étaient les acteurs, elle m’a répondu qu’ils étaient tous morts. Cela fut un véritable choc, j’ai alors compris que cela peut arriver aux personnes que j’aime à tout moment. Je pense qu’inconsciemment depuis je veux rencontrer tous les gens que j’admire avant leur mort, ou la mienne. »
J : « On sent un véritable amour pour les personnes que vous photographiez. D’ailleurs vous parlez d’acte d’amour pour définir la prise de vue. Pourquoi ce besoin d’immortaliser les stars que vous aimez ? Pourquoi chercher « à être tout près de leur âme ? » »
Y : « J’ai toujours été fasciné par les stars, surtout celles des vieux films. Je veux me rapprocher d’eux grâce à mon travail. J’aime essayer de révéler qui ils sont vraiment, m’accaparer une part d’eux, qu’ils deviennent partie intégrante de mon univers. »
J : « Vous avez commencé le dessin et la peinture avant la photographie. Depuis vos débuts vous photographiez en noir et blanc pour coloriser ensuite à la main (technique traditionnelle Egyptienne). Qu’est-ce qui vous pousse à vous réapproprier ainsi les couleurs du monde ? A transfigurer le réel ? »
Y : « Cela vient de mon admiration pour les vieux films, mes premiers travaux en sont directement inspirés. J’écrivais des scénarios que je demandais à mes amis de jouer pendant que je les photographiais en noir et blanc. J’ai ensuite voulu intégrer la couleur à mon travail mais je ne voulais pas utiliser de film couleur, j’ai donc commencé à coloriser mes photos NB à la main. »
J : « Parlez-nous de vos autoportraits, Il y à un aspect très nostalgique dans ces photos, en même temps on sent une certaine distance entre vous-même et les décors que vous traversez. »
Y : « Quand j’ai quitté le Caire en 2003, j’ai réalisé une série d’auto portraits dans les nombreuses villes que j’ai visitées. Durant mon voyage, je n’étais qu’un visiteur conscient de son départ imminent. Je partage également ce sentiment d’éphémérité dans ma vie quotidienne. »
J : « Vous êtes un exilé, vous quittez l’Egypte pour la France, puis pour les Etats-Unis. Qu’est ce qui motive cette fuite par rapport à votre terre natale, beaucoup de titres de vos œuvres font référence au départ (au sens propre comme au sens figuré)? »
Y : « L’idée du départ est constante dans mon travail….je me suis toujours senti comme un étranger dans mon propre pays. Mais j’adore l’Egypte et j’y pense tous les jours. Pour moi nous ne sommes que des visiteurs. J’ai parfois l’impression de n’être que le témoin de ma propre existence. Comme je pourrai l’être de l’existence d’un autre. »
J : « Vous avez travaillé entre autres avec David LaChapelle, qui avait pour habitude de vous dire « Si tu regardes dans ton appareil photo et que tu y vois une image qui ressemble à celle de quelqu’un d’autre, ne la prends pas… Photographie quelque chose d’autre. » A votre tour quel serait le conseil le plus précieux que vous pourriez donner à un jeune photographe? »
Y : « Never compromise your work. »
J: « Décors, costumes, mise en scène…Votre influence principale est le cinéma Egyptien des années 40, « dans votre travail le cinéma et la vie sont étroitement liés » Pouvez-vous nous en dire plus sur votre première œuvre cinématographique ? »
Y : « C’est mon premier film « You never left », un court métrage avec Fanny Ardant et Tahar Rahim. Je suis actuellement en postproduction. Le film parle de mon départ d’Egypte en 2003 et de la relation étroite entre l’exil et la mort. »
J : « Quels sont vos projets ? »
Y : « Je prépare une exposition à New York chez Yossi Milo Gallery. Puis à Paris en 2011 à la galerie Nathalie Obadia. Mon film sera diffusé lors de l’’exposition inaugurale du Musée d’Art Modern du Qatar. »
Laisser un commentaire