J’aime les monstres, les freaks, les mutants, les anormaux et autres créatures particulières. J’aime profondément La Maison d’Ailleurs, musée de la science-fiction d’Yverdon-les-Bains : à la fois lieu d’expositions et centre de documentation, unique au monde et seul musée suisse dédié uniquement à la culture populaire. J’aime Benjamin Lacombe, illustrateur à l’univers merveilleux, tant sombre que romantique et auteur de livres somptueux. J’aime Laurent Durieux, illustrateur et designer aux affiches d’une délicatesse et d’une précision rare.
Et bien figurez-vous que tout ceci est rassemblé en une exposition : Je est un monstre visible du 13 novembre 2020 au 24 octobre 2021 à la Maison d’ailleurs (ok, avec une pause coronavirus en ce moment)…
Mais ce n’est pas parce que notre soif de culture est quelque peu rationnée qu’on ne peut être curieux. Pourquoi ne pas commencer par quelques livres, dont cet exceptionnel catalogue d’exposition La parade monstrueuse, publié aux éditions Cernunnos.
La Parade monstrueuse. La naissance des monstres modernes
Ce catalogue prolonge et approfondit l’exposition, autour de la notion de « monstres ». Dracula, la créature de Frankenstein, Godzilla, mais aussi les savants fous, les Freaks et les mutants… Des feuilletons littéraires du XIXe siècle aux films d’horreur de la Hammer dans les années 1930, le monde s’est doté d’une nouvelle mythologie. Dans cet ouvrage richement illustré, spécialistes et historiens, tous enseignants-chercheurs à l’Université de Lausanne, reviennent sur cette période d’intense créativité qui a donné naissance aux monstres modernes. Ouvrage écrit sous la direction de Marc Atallah. Cahiers d’illustrations de Benjamin Lacombe, de Laurent Durieux et du fonds iconographique de la Maison d’Ailleurs.
Un catalogue qui n’en est pas vraiment un puisque, comme le précise Marc Atallah, directeur de la Maison d’ailleurs : c’est un prolongement de l’exposition qui propose d’aller plus loin et d’offrir un propos indépendant qu’on ai vu l’exposition ou non.
Au sommaire:
– « Je est un monstre », par Marc Atallah
– « Le monstre comme signe divin ? », par Matthieu Pellet, UNIL
– « Le monstre et le savant fou », par Dominique Kunz Westerhoff, UNIL
– « Dévorées des yeux », par Stéphane Tralongo, UNIL
– « Du monstrueux et du fantastique », par Danielle Chaperon, UNIL
– « Des machines et des monstres », par Marta Caraion, UNIL
– « Monstres modernes et science-fiction », par Marc Atallah
Un ouvrage qui questionne notre propre monstruosité et met en miroir les grands héros mythiques face à leurs ennemis monstrueux. Il propose d’éclairer, sous un angle inhabituel, « l’autre » par nos travers…
Si l’article de Dominique Kunz Westerhoff, Docteur en Littérature, m’a appris une foultitude de nouveaux mots, il m’a surtout permis de découvrir une réflexion pertinente sur le Frankenstein de Mary Shelley et sur l’évolution philosophique de la Science quant à la tératologie. De Darwin aux Lumières en passant par le Docteur Moreau, j’ai adoré me perdre dans ces analyses tant pointues que passionnantes. Et que dire de la présentation de Stéphane Tralongo, Dévorée des yeux, qui retrace la curiosité (malsaine ?) de nos sociétés pour les peuplades différentes, faisant preuve d’une imagination sans bornes pour mettre en scène le monstrueux, qui n’a de monstrueux que de ne pas être nous…
Pointu, fouillé, débordant de connaissances, riche d’illustrations fabuleuses et définitivement brillant, cet ouvrage est un voyage hallucinant dans le monde du Freaks !
Mirages. Tout l’art de Laurent Durieux
Laurent Durieux est un célèbre illustrateur belge bien connu des amateurs de culture pop et des collectionneurs pour ses réinterprétations d’affiches de films cultes. L’engouement pour l’artiste et tel que chacune de ses expositions américaines se voit dépouillée de ses œuvres, toute vendues dès la soirée d’ouverture. Durieux manie les codes esthétiques du rétro-futurisme à la perfection et propose une immersion cinématographique à la beauté surannée. Un univers élégant qui nous plonge dans une époque précieuse, celle où l’affiche servait le film et non pas les injonctions commerciales. Paru en avril 2020, ce livre est sa première monographie et couvre toute sa carrière, avec un accent particulier sur ses affiches de films alternatifs les plus emblématiques. Petit plus : des affiches rejetées et non publiées et gros plus : une préface du cinéaste Ford Coppola, grand collectionneur de l’art de Durieux.
Si je ne peux que vous inviter à plonger TOUS dans les livres de Benjamin Lacombe, je vous en ai sélectionné cinq pour continuer notre périple en terre monstrueuse.
L’étonnante famille Appenzell
Ma grand-mère se nommait Eugénie. Eugénie Appenzell. D’elle, je tiens mes longs cheveux bouclés et, dit-on, mon caractère bien trempé. Peu de jours avant ma naissance, grand-mère Eugénie quitta les siens. En héritage, elle me laissa une boîte remplie de photographies et de lettres. « Pour que tu connaisses ta famille », m’avait-elle écrit. Durant des années, j’ai démêlé les liens et les intrigues qui unissent ces personnes extraordinaires. J’ai pleuré et j’ai ri… Aujourd’hui, je vous livre leur histoire. Mon histoire. Celle de l’étonnante famille Appenzell.
Voilà un album de famille particulier, fait de portraits passionnants, étranges et singuliers. La patte Benjamin Lacombe fait de cet inventaire familiale quelque chose de précieux, de tendre et d’infini.
Les contes macabres Edgar Allan Poe
L’influence d’Edgar Allan Poe dans le monde a été et demeure considérable : la critique contemporaine le situe parmi les plus remarquables écrivains de la littérature américaine du XIXe siècle, et ses nouvelles ont revêtu, au fil des ans, grand nombre de titres et d’aspects. Figure emblématique du Romantisme, il était logique et même nécessaire que Benjamin Lacombe illustre les contes de l’auteur. La vision de Poe sur la figure masculine est complexe et, par là même, terriblement envoûtante : forte, pleutre, habitée par la mélancolie ou basculant dans la folie. Benjamin Lacombe a sélectionné de nouveaux contes, parmi lesquels Manuscrit trouvé dans une bouteille ou Petite discussion avec une momie, et propose un voyage graphique, à la frontière du réel, dans les tréfonds de l’âme humaine. Il ne fallait pas moins de deux volumes pour embrasser tout l’univers de Poe.
Fantômes du Japon & Esprits et créatures du Japon
Fasciné par le Japon depuis ses plus tendres années, Benjamin Lacombe a souhaité illustrer un recueil d’histoires imprégnées du folklore japonais, histoires recueillies par Lafcadio Hearn : écrivain irlandais, un des premiers occidentaux à obtenir la nationalité japonaise. Il est connu pour avoir sillonné les provinces de ce pays, recueilli et mis par écrit les contes et légendes nippons. Un large bestiaire de fantômes et Yokaï de toute beauté. Benjamin Lacombe continue l’aventure japonaise avec un deuxième ouvrage qui s’intéresse à la nature et à la figure animale. Après une immersion au fond des eaux, on émerge à la surface par le biais des racines, de la terre et des mammifères, pour atteindre le ciel et les volatiles. Ce sujet est synonyme au Japon de mystère et de respect. Comme pour le premier opus, le traitement graphique s’adapte superbement à chaque histoire.
Pour continuer l’exploration de Je est un monstre, la Maison d’ailleurs propose un autre livre Universal Monsters, onzième numéro de « Les Collections de la Maison d’Ailleurs » . Cette collection offre des essais sur la thématique de l’exposition programmée. Afin de continuer son travail de vulgarisation sur le rôle de la science-fiction dans le monde d’aujourd’hui, ces essais ouvrent plusieurs points de vue différents ainsi qu’une sélection iconographique exceptionnelle.
N° 11 – Universal Monsters
Il y est question, notamment, de monstres mythologiques, de sorcières, de freaks, de monstres prométhéens, de créatures de contes de fées et de monstres science-fictionnels. Or, au cœur de cette vaste parade monstrueuse, une des salles de l’exposition est dédiée à la célèbre franchise des « Universal Monsters », ces monstres cinématographiques du début du XXe siècle qui ont fait les beaux jours d’un cinéma populaire et d’une littérature prisée par un public avide de sensations. Cet essai, écrit par Frédéric Jaccaud, analyse avec rigueur autant les films eux-mêmes que les contextes de production et de réception ; un texte passionnant, qui permet de saisir la complexité d’un phénomène filmique.
Et comme la Maison d’ailleurs ne fait jamais les choses à moitié, je vous invite à pousser la porte de la Boutique et laisser votre âme d’enfant s’émerveiller devant cette délicate boite de friandises du chocolatier Gerber & Wyss décorée par Benjamin Lacombe, ou ces flacons somptueux de la Cave des Viticulteurs de Bonvillars et tout autre produits dérivés !
En parallèle des expositions proposées il ne faudra manquer sous aucun prétexte L’espace Jules Verne de la Maison d’ailleurs qui présente au public de nombreux ouvrages et documents anciens mettant en images Jules Verne, sa vision, son contexte littéraire. Une manière de redécouvrir les multiples facettes de cet écrivain parmi les plus traduits au monde. Outre les livres et les magazines, l’Espace Jules Verne propose également plusieurs façons originales de partir en voyage imaginaire : modèles de véhicules extraordinaires, une borne interactive sur les nouveaux voyages extraordinaires et l’affichotron, un incroyable présentoir automatique à affiches. La seconde partie de l’exposition présente le monde des Pulps. À travers ce phénomène éditorial et esthétique unique, la science-fiction anglo-saxonne perpétue et prolonge le discours tenu par Jules Verne dans les Voyages extraordinaires.
Je vous souhaite un merveilleux voyage au pays de l’Imagination et un confinement le plus agréable possible !
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