Des pages à l’écran
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Caryl Ferey est un baroudeur, un engagé et surtout un écrivain de talent. Presque tous ses romans se déroulent dans des pays malmenés, aux histoires douloureuses. Il dépeint des régions complexes, souvent violentes et parvient a marier à la perfection enquête, sociologie, politique et économie.
Caryl Ferey écrit du roman noir quasi journalistique. Parce qu’il a une formule assez particulière pour écrire. Il part voyager dans le pays sur lequel il veut composer pour y poser les jalons de son récit et revient au bercail pour coucher les mots sur le papier. Il se documente, étudie, fouille, amasse toutes les informations culturelles et historiques dont il a besoin. Il repart ensuite dans ce même pays, cette fois pour y rencontrer les gens, partager, ancrer son histoire dans la réalité d’un peuple.
L’Argentine, le Chili, la Nouvelle-Zélande, la Russie, le Larzac. Les lieux ne sont jamais anodins, les mots sont toujours engagés et enragés.
« Aujourd’hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l’Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d’Afrique, bat tous les records. Les choses s’enveniment lorsqu’on retrouve la fille d’un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l’agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds… Si l’apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l’ombre de la réconciliation nationale… »
Dans Zulu, l’auteur vous emmène à Cap Town en Afrique du Sud pour un polar haletant, sombre et révoltant. Misère, drogue, sida, racisme, corruption et injustice sont autant de thèmes abordés dans Zulu. D’une enquête classique : des flics doués mais écorchés par la vie enquêtent sur des meurtres de femmes blanches de la bonne société, on glisse sur un récit violent, époustouflant et douloureux. Parce que la misère quotidienne qui est décrite dans Zulu est réelle. L’Afrique du Sud n’en a pas terminé avec l’apartheid, elle est présente dans chaque homme, dans chaque geste. Toutes les rues ou plages ont une histoire et des fantômes, et ces spectres errent de bidonville en quartier chic, n’épargnant personne.
Parce que personne ne peut ignorer une plaie à vif.
Carl Ferey écrit sans concession et ce n’est pas une carte postale qu’il vous envoie depuis la patrie Zulu, non… C’est une analyse fine et pertinente d’un pays déchiré, un récit au désespoir sublime et à la rage salvatrice ! On y apprend l’Histoire, l’apartheid, le quotidien des Noirs comme des Blancs, les terribles projets d’armement du Parti national et les alliances politiques. On apprend ou on révise, mais surtout on dévore ce roman, le souffle court, les doigts crispés et le cœur gonflé !
Du roman au grand écran
C’est Jérôme Salle qui s’attaque à l’adaptation du livre en 2013. Il part tourner en Afrique du Sud en emmène dans ses valises Orlando Blum et Forest Whitaker. La photographie est d’une beauté rare, on navigue entre les paysages grandioses et la misère filmée avec justesse, tant et si bien que tout est beau, même l’atroce.
Jérôme Salle à la finesse de mimer le roman de Caryl Ferey : d’une enquête classique il invente un film coup de poing.
Le scénario reprend avec justesse toutes les ficelles qui font un bon thriller: les personnages sont rodés, les rôles connus, les gentils identifiés et il glisse même certains clichés cinématographiques. On a presque tendance à lui en vouloir, au début. Mais il réussit l’exploit de vous enfermer dans une tornade d’émotions, de vous assener quelques droites dans le ventre et dans la tronche.
Des rôles principaux aux plus petits figurants, tous sont exceptionnels. Ils sont vrais, ils sont là avec vous et cette proximité est hallucinante. Vous êtes en Afrique du Sud, vous êtes dans l’histoire. Rien ne peut vous détacher de l’écran !
Une vraie réussite et si pour moi Forest Whitaker n’avait rien à prouver, Orlando Blum m’a, pour la première fois, subjuguée.
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