Aahhh le funk à la française… Coup de pouce de l’actualité: par les temps qui courent, le patronyme Sinclair n’est pas forcément le moins honteux qui soit. Quand on tape « Sinclair » sur un célèbre moteur de recherche, on tombe nez à nez avec une sombre affaire de moeurs d’un lourdeau gauchiste-caviar qui n’arrivera pas à effacer le nom de jeune fille de sa très conciliante épouse. Merci Google. Loin de ce dérapage homonyme déshonorant, la carrière éclair de Sinclair peut se résumer à trois choses: la première, c’est une Victoire de la musique « révélation » de l’année glanée en 1995, récompensant d’une part sa fraîcheur musicale et d’autre part la scène funk française florissante de l’époque (FFF, Malka Family…). La deuxième, ce sont des tubes réussis et entêtants tombés à point nommés à une sale époque 90’s où les majors pariaient becs et ongles sur les boys-band. La troisième, ce sont deux disques live dantesques, en 1999 et 2002, vitrine de la pêche et des multiples talents de l’artiste. Sûrement gavé par la tournure inquiétante du marché et sans doute un peu « passé de mode », Sinclair va s’infiltrer au cours des années 2000 dans la veine de la bande originale de films. Ainsi, il va apporter son « fonk » et sa bonne attitude à la comédie sentimentale (« Ma vie en l’air » en 2005 et « Le premier jour du reste de ta vie » en 2008), la comédie satirique (« Mon idole » en 2002) et l’anti-prise de tête drôle et caricaturale (« Le siffleur » en 2010, terrain de jeu cinématographique du tordant Fred Testot). Placardé quelques temps en jury « fonction beau gosse » de la Nouvelle star sur M6 en compagnie de ses copains de mondanité (Philippe Manoeuvre, Manu Katché et « Dédé les doigts de fée » Manoukian), il va se rappeler au bon souvenir de ceux qui dansaient en tapant dans les mains sur des titres incontournables tels que « Ensemble », « Si c’est bon comme ça » ou « ça me fait plus mal ».
Ambassadeur (francophone) précoce d’un funk que l’on croyait enterré depuis le decrescendo musical de Stevie Wonder, maintenu un temps en vie par le sanguin Jamiroquai, Sinclair va montrer qu’il sait s’imposer dans tous les styles qu’il aborde. Multi-instrumentiste et chanteur émérite, comme son modèle Prince, dans un registre un poil plus lisse que le kid de Minneapolis, Sinclair alterne avec succès la soul, le jazz, la funk, le rock tranchant, l’électro et le disco. Le tout dans une immense partie de guitares et de basses en l’air. Slap, tapping, harmoniques, pop, riffs, tempo, beat… Sur ce nouvel album éponyme, Sinclair maîtrise tout. Féru des technologies modernes, conscient d’une évolution qui garantie le succès, l’artiste s’amuse et impose les spotlights dans votre salon. Les plus rythmées de ces onze nouvelles chansons vont vous couper l’envie de faire la gueule (« ça tourne dans ma tête », « Dangereuse »). Pourtant, il est tellement facile de contracter une allergie au funk à la française: trop souvent, la langue de Molière ne se prête pas facilement au jeu du groove. Sinclair, lui, s’envole, flotte sur un nuage qui semble éviter les contraintes depuis ses débuts. En forme, en verve, dans une quarantaine inimaginable – que le temps passe vite – Sinclair ne lâche pas l’affaire (« La fête est finie », « Ta petite liste », « S’en aller »). C’est la basse qui mène la danse. En aigu comme en grave, il voit la vie en rose, se payant le même le luxe de sampler la môme Piaf (« Rose etc… »). Ultime coup de chapeau à l’immense Prince, « Funky drama » et « Monde idéal » n’auraient jamais vu le jour dans un monde sans Purple Rain. Anti-dépresseur officiel d’un printemps 2011 déjà chaud bouillant, Sinclair envoie les mauvaises ondes en enfer… Dansez maintenant.
« Sinclair », disponible en CD
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