Come Prima
Alfred
Editions Delcourt, collection Mirages
Fin des années cinquante, deux frères, Fabio et Giovanni, se retrouvent après dix années d’un silence tumultueux, mêlé d’incompréhension mutuelle. Giovanni est venu chercher son frère pour qu’il l’accompagne jusqu’en Italie, ramener dans leur pays natal les cendres de leur père. Les deux frères sont comme des inconnus l’un pour l’autre, et il va falloir du temps et quelques engueulades pour que la parole se libère, qu’ils vident tout ce qu’ils ont sur le cœur pour que peu à peu un lien émerge a nouveau. Une ouverture.
La route du retour sera émaillé de rencontres fortuites comme ce curé en rase campagne qui permettra à Fabio de se libérer d’un poids en écoutant celui-ci sans le juger : « Quand on me demandait ce que je pouvais bien foutre pendant des heures perché sur le toit de l’immeuble, à regarder la mer à m’en bousiller les yeux. « Je voyage » que je disais. Le voyage c’était l’horizon… J’attendais le départ, depuis toujours j’attendais… Et puis un jour c’était là. Maintenant. Je savais pas vers quoi j’allais, mais je savais déjà que je voulais pas rater ça. Un bateau plein de promesses… Je m’y suis engouffré sans attendre personne. J’avais dix-sept ans… Et c’est comme ça que je suis devenu Chemise noire*… Mais moi tout ce que je voulais c’étais l’horizon…
Le chemin intérieur est indissociable d’un sentiment géographique et que la route est belle quand elle ramène vers soi-même. Le récit d’Alfred éveille les sens et emprunte des voies aériennes. Là-haut le ciel est immense et la course des nuages sans fin. Une superbe lumière éclaire tout le récit et l’Italie approchant l’auteur nous régale d’un véritable feu d’artifice de couleurs et de sensations. Les haltes successives des deux frangins ponctuent le récit de belles respirations contemplatives.
Je ne vous dévoilerai pas plus l’histoire car chaque page tournée apporte son lot de surprises et un attachement grandissant pour cette fratrie.
Alfred alterne son récit avec des images « jaunies », bribes de souvenirs de Fabio et Giovanni. Les liens tissés pendant l’enfance ne s’effacent jamais complètement. Trois couleurs donnent le ton de ces réminiscences ou du moins ce que la mémoire en conserve. Des moments épars de l’existence, des motifs récurrents qui s’assemblent au fur et à mesure à l’aune d’une parole retrouvée. Avec beaucoup d’attention et de sensibilité l’auteur capte l’essence même du souvenir et la restitue en quelques traits.
Un récit « à l’italienne », tellurique et sensoriel, qui rappelle aussi ce cinéma généreux de l’après-guerre. Rejoignez Fabio et Giovanni à bord de leur Fiat 500 pour une escapade tragi-comique. La route est belle, la vie aussi.
*Corps militaire de l’Italie fasciste qui permit l’accession de Mussolini au pouvoir
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