Comme ses comparses franco-belges et japonais, le comics fait aussi sa rentrée sur les terres francophones ! Outre les ressorties de classiques adaptés au cinéma (Captain America et Green Lantern) et les increvables super-héros (Batman, Spider-Man, Wolverine…), les éditeurs indépendants se font de plus en plus la part belle des rayonnages, et c’est tant mieux ! On retrouve ainsi la suite attendue de Haunt (voir l’article Blog Fnac BD ici), de The Boys, de DMZ ou encore Á crocs et à sang, une nouvelle série mordante, où vampires et mafia ne font qu’un. Parmi tout ces titres, deux ont plus particulièrement attirée mon attention : Bienvenue à Hoxford de Ben Templesmith chez Delcourt et Nemesis de Mark Millar et Steve McNiven chez Panini, qui sortira le 22 septembre, mais qui est déjà disponible en anglais, sous le label Icon de Marvel. Deux volumes aux histoires complètes et aux prix abordables, qui en plus de ces qualités économiques et ergonomiques, valent largement le détour.
Bienvenue à Hoxford ou la folie à sens unique
Raymond Delgado, enfant et soldat traumatisé, va intégrer Hoxford, un pénitencier unique, aux pratiques pour le moins novatrices. Aucune chance de sortir d’ici, même pour bonne conduite. Hoxford est réservé au criminels les plus sadiques, les plus fous et absurdes. On y croise ainsi des cannibales, des violeurs d’enfants, des nécrophiles, etc. Raymond va réussit à plus ou moins s’intégrer, lorsque la psychologue qui la suit va vouloir vérifier ses conditions d’internements et découvrir que le système carcéral d’Hoxford sert avant tout à fournir de la nourriture aux loups-garous qui dirige cet établissement.
Auteur australien connu grâce au succès de 30jours de nuit (adapté au cinéma) et de Wormwood, Ben Templesmith à développer un style reconnaissable entre tous. Mettant presque toujours en scène des personnages fantastiques du folklore anglo-saxon (vampire, zombie, loup-garou, etc.), ses histoires s’inscrivent dans une tradition horrifique, certes classique, mais qu’il prend plaisir à revisiter en toute liberté. Et c’est encore le cas dans Bienvenue à Hoxford. Action, gore, suspens, humour noir, Templesmith maîtrise habilement ses éléments et les mélange avec dextérité. Son style, aux limites du cinéma, donne un ton surréaliste aux événements et une dynamique qui jamais ne s’essouffle. La tension monte doucement au fil des chapitres, peu de choses nous sont révélées jusqu’à ce que la vérité d’Hoxford nous explose à la figure. Depuis ce point tout s’enchaîne. Templesmith se complait dans des scènes d’action et de bestialité sans pareille et nous offre une plongée dans la folie la plus inexplicable, le tout sur un rythme effréné et jouissif. Et puis, bien sûr, il y a le graphisme. Unique en son genre, les illustrations et les couleurs sont encore et toujours époustouflantes, denses et oppressantes. La palette tourne autour des noir, rouge et jaune verdâtre, et crée une atmosphère quasi-irrespirable. On se réjouit alors d’autant plus que c’est une histoire complète, aussi vite envoyé qu’un coup de poing bien placé !
Et en bonus la bande-annonce officiel de Welcome to Hoxford.
Nemesis ou l’apogée du villain
Il est riche, très riche. Il est blanc, tout blanc. Il est méchant, très méchant. Nemesis est le villain par excellence. Il élimine, les uns après les autres, les meilleurs policiers du monde entier et va bientôt s’attaquer à Chief Morrow, le plus grand représentant de l’ordre de la planète. Ce dernier s’avère être un ennemi bien plus puissant que Nemesis ne l’avait prévu… ou est-ce simplement ce qu’il veut nous faire croire ?
Pitch diabolique et original à souhait, l’intrigue de Nemesis repose sur un postulat inédit : faire d’un villain, le héros d’un comics. Et là, on ne parle pas d’un villain avec un passé traumatisant ou avec des raisons concrètes qui pourraient expliquer ses agissements, ici on parle d’un villain très vilain, qui en plus de vouloir arriver à ses fins, est très intelligent, très organisé et très équipé, et surtout sans aucune motivation particulière ou connue, il est juste méchant et c’est déjà pas mal ! Mark Millar nous revient donc avec un nouveau concept original et inédit, auquel il nous a avait déjà habitué avec Wanted, Kick-ass ou encore Trouble. Cette fois-ci, il renverse encore les règles établies du genre super-héro et invente carrément une nouvelle mythologie, un quasi-nouveau genre. Punch-lines incisives, structure dynamique, twists crédibles, action dosée et personnages réalistes, tous les ingrédients sont réunis pour faire de Nemesis une suite digne et aussi bien, voire meilleure, que Kick-ass. A noter qu’Hollywood avait acheté les droits d’adaptation, avant que le comics ne soit entièrement publié et que c’est Tony Scott (Domino, True Romance) qui s’y colle. A l’instar de Kick-ass, Nemesis risque donc d’être un énorme succès (en comics comme en film), et pour une fois un succès mérité. Car ce qui fait la particularité de Millar, c’est d’avoir la conscience de sortir de l’industrie pour vraiment créer. Ces deux dernières productions en sont la preuve, puisqu’elles ont été éditées chez Icon, son propre label, où il ne subit aucune pression des éditeurs et est complètement libre de ses histoires et concepts. C’est ce qui fait (en plus du talent inné de Millar bien sûr) que Nemesis est une de ces rares œuvres où l’on prend un plaisir total, car tout est nouveau, tout est frais. Aucune réplique ne nous rappelle un film ou un autre comics, les références ou hommages sont absents, les personnages ne ressemblent à aucun autre. Tout ces éléments sont de plus en plus rares, car l’industrie du divertissement est malheureusement gangrenée par le remâché illimité et sans complexe. Alors dès qu’une création digne de ce nom apparaît, on se jette dessus. Et quand c’est aussi bon que Nemesis, on a bien raison de le faire !
Et en bonus, un interview de Mark Millar (pour les anglophones).
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