Comparer Prince à Jackson est une erreur. Les médias du début des 90’s en avaient fait des rivaux de cours d’école. Vas-y que j’te ponds un « Thriller », prends mon « Sign’o the times » dans la figure, ramasse ton « Off the wall » et achèves-toi de mon « Diamonds and pearls »: le danseur contre le virtuose. Petit mais caractériel, Prince paiera cher son incompatibilté médiatique par une baisse considérable de sa popularité et de ses ventes dans les années 90, pendant que Bambi caracollait en guide planétaire douteux (jusqu’en 1995). Fin de la guerre: l’un périra en pyjama suite à une overdose médicamenteuse chevaline et l’autre continuera, au fil des ans, à enrichir une discographie pas toujours réussie mais totalement maîtrisée.
Plus personne ne chronique Prince, car à peu près tout le monde s’en fout. Contre-coup de ses orientations médiatico-politico-religieuses (témoin de Jéovah avéré publiquement depuis 2004)? Oublions un moment son isolement fantasque aux studios de Paisley Park (lire le « Courrier International » de Juillet 2010) pour s’immerger dans son art qu’il a su dompter au cours des ses 40 disques publiés sous des noms (ou symboles) divers et variés.
2009, on apprend par surprise qu’un triple album du Kid de Minneapolis arrive sur le marché. Pourquoi prendre le risque d’un triple quand on apparaît un peu partout comme un has-been? Prince s’en moque, il fait ce qu’il lui plaît. Premier disque de « LotusFlow3rs », l’anecdotique « Elixer », où sa nouvelle protégée Bria Valente (plantureuse et sublime, le petit a la côte) joue de son timbre sensuel dans un R’n’B pompeux-mollason relativement bien produit parfait pour écouter dans l’ascenceur du matin (celui censé vous mettre de bonne humeur). Vocalement, elle s’en donne à coeur joie avec son papa d’un jour et fait passer Beyoncé pour une vendeuse de Donuts. Passons…
Deuxième disque, « MPL sound », où Prince s’amuse à zapper le trop commun Pro-logic (logiciel de mixage utilisé par bon nombre de groupes) pour tester d’autres sonorités et d’autres façons de mettre en boîte. Le résultat est moyen sur CD et clairement taillé pour le live, avec des morceaux mégalo-géniaux tels que « Dance 4 me », « No more candy 4 U » et « (There’ll never be) another like me ».
Troisième disque, on touche au but: « Lotusflow3r » est une merveille. « Boom », « Crimson & Clover », « Colonized Mind » (bijou typique, admirez le son de guitare inimitable), « Dreamer » et « Back to the lotus » dégueulent de riffs « Hendrixiens », on devine à quoi le Kid s’est dopé étant jeune. Funky à mort, on tient là du grand Prince. Ces douze morceaux justifient à eux-seuls l’achat de l’album; le reste ne peut être que du plus…
Un an plus tard, on savait notre ami de Paisey Park boulimique de travail, apparaît alors « 20ten ». Sacrebleu! Prince décide de le distribuer par voie de presse. Considérant que le marché de la musique et les habitudes de consommation sont en mutation, il décide de snobber internet et les réseaux traditionnels pour offrir son disque via le journal mondialement lu « Courrier International » (en échange d’une couverture à son avantage et d’une demi douzaine de pages centrales consacrées à lui). Certains se réjouissent de ce choix, plaisantant sur le fait que Prince, de toute façon ne vend plus. Ne serait-ce pas là le meilleur moyen de toucher le plus grand monde? Prince sait créer le buzz… En même temps, qui vend des disques aujourd’hui? Pas grand monde… Johnny Hallyday? Patience, le pic des ventes est pour bientôt…
« 20ten » ne va pa révolutionner la Funk, loin de là. Sans compter les ballades soporifiques (beurk sur « Future soul song », « Walk in sand » et « Sea of everything »), Prince nous refait le coup du disque qui sonne « comme si il avait été fait dans sa salle de bain en 1982 ». En résumé, l’album est un clône de « 1999 » (paru en 28 ans plus tôt) mais avec une production moderne, heureusement. « Sticky like glue », « Compassion » et « Endlessly beginning » sont parfaites pour faire bouger les popotins en soirées mondaines et, cerise sur le gâteau, « Lavaux » est un hymne à l’amour pour la Suisse de la part du Dieu de la Funk.
Malgré de nombreuses errances expérimentales ratées, le Kid de Minneapolis n’a pas grand chose à se reprocher (allez, les prix des places sont exorbitants je sais), tant ses disques sont taillés pour la scène. Dans son immense tamis discographique, on découvre toujours des pépites. Toujours accompagné de musiciens qu’il dirige de main de maître (John Blackwell et Ronda Smith), Prince fait revivre ses albums en concert, même les plus ringards niveau production. Saborder de manière désinvolte le disque en sacralisant la scène à l’extrême, finalement, c’est peut-être ça le secret d’une carrière réussie et qui dure…
Extraits de « Lotusflow3r » à écouter ici: Prince, « Colonized Mind » - Prince, « Crimson & Clover »
Extraits de « 20ten » à écouter ici: Prince, « Lavaux » - Prince, « Sticky like glue »
Extraits live du Grand Journal (Canal+): Prince au Grand Journal partie 1 - Prince au Grand Journal partie 2
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