Parasite a connu deux vies. Une première, dans les années 90 au Japon et 2000 en France, durant laquelle elle aura eu un joli succès d’estime, mais sans faire d’étincelles. S’imposant comme un classique du catalogue seinen de Glénat, le titre de Iwaaki est ensuite tombé dans un relatif anonymat, et avait fini par déserter les linéaires des libraires (ceci aussi grâce à l’absence de réédition du volume 3 pendant de longs mois (années ?)…). Puis, une seconde vie en 2015, alors qu’une tardive adaptation animée connait un joli succès au Japon, et relance l’intérêt autour du manga original. Mais du coup, la série s’étant achevé en 1994 au Japon (2004 en France), comment a-t-elle vieilli ?
Pour le jeune Shin’ichi, étudiant en train de s’endormir, le casque sur les oreilles, c’est une nuit normale. Jusqu’au moment où un étrange vers, de la taille d’un petit serpent, tente de rentrer dans son oreille, et le réveille. Face à cette créature agressive, qui finit par rentrer dans son bras comme une écharde, le jeune homme panique, mais a le réflexe de faire un garot avec le cable de ses écouteurs. La créature, bloquée dans le bras, se calme et laisse le garçon perplexe, pantelant, ses parents convaincus qu’il se drogue pour hurler ainsi « il y a un serpent dans mon bras »… Le lendemain matin, il se réveille en proie au doute : a-t-il réellement une créature dans son bras, et si oui, qu’y fait-elle ?
Hitoshi Iwaaki est, aujourd’hui encore, surtout connu pour Parasite. Série fantastique mais ancrée dans le réel, elle raconte une invasion de parasites dans le Japon contemporain (il est sous-entendu que l’évènement est planétaire, mais nous n’en saurons pas plus). Ces parasites, ayant tous attaqué leur hôte la même nuit, ayant pour but de prendre possession du corps de leur victime, et pour ce faire, de prendre la place du cerveau. Shin’ichi, avec son réflexe salvateur, a circonscrit son parasite à son bras, mais doit apprendre à vivre avec ce drôle de squatteur… L’auteur imagine, pour le début de son histoire, les déboires du quotidien d’un jeune homme lambda (pas très courageux, pas très costaud) face à ce changement radical. Mais rapidement, une fois les deux personnages habitués l’un à l’autre, et forcés de coexister sous peine de se détruire l’un l’autre, Iwaaki élargit le champ, et s’intéresse aux autres parasites, mais aussi aux prémices des réactions humaines. Car si le parasitage d’une partie de la population aurait pu être discret (les parasites prenant la forme d’une tête humaine, et conservant une partie des souvenirs et des connaissances de leur hôte), leurs tendances anthropophages posent rapidement problème, et les scènes de crime sont rapidement surnommées « boucheries » par les journaux. Et si Migy, le nouveau bras droit de Shin’ichi, doit respecter les choix de celui qui le domine, mais apporte malgré tout son aide au quotidien, et apprend à considérer les humains comme des camarades et pas de la nourriture ou de la piétaille, ce n’est évidemment pas le cas de la majorité des parasites. Le héros est ainsi pris entre le marteau et l’enclume, et doit gérer son humanité vis à vis des parasites, et son inhumanité vis à vis des autres humains… L’auteur se permet aussi d’aborder des sujets étonnants, notamment l’écologie (ces parasites sont-ils venus débarrasser la planète des humains, qui la détruisent à marche forcée ?), et questionne les certitudes des personnages (et des lecteurs) avec une certaine acuité.
Auteur complet, Iwaaki signe donc aussi les dessins de Parasite. Assez datés lors des premiers volumes, ils sont pourtant d’une efficacité impeccable, et l’évolution subtile du style de l’auteur en fait un plaisir de lisibilité. Si les jeunes lecteurs ayant biberonné le manga avec Naruto ou Fairy Tail auront peut-être du mal à entrer dans cet univers sobre, un petit temps d’acclimatation suffit souvent à se laisser embarquer. Les personnages sont reconnaissables, les séquences d’action fluides et prenantes, et le design des parasites est très bien pensé. Ce qui pourrait apparaître comme le point faible du manga est au contraire une nouvelle réussite : loin de distraire le lecteur en faisant de l’esbroufe, le dessin d’Iwaaki se concentre sur les détails, rend les personnages plus humains (ou monstrueux), plus attachants, sans en rester aux apparences.
La redécouverte de Parasite est incontournable : les éditions Glénat ont réimprimé les dix volumes, la traduction de David Deleule est soignée, et cette fresque à la fois épique, initiatique et parfois sanglante reste en mémoire longtemps après avoir refermé le dernier tome. Un classique, un vrai !
Laisser un commentaire