Robert Kirkman n’a plus guère, aujourd’hui, besoin d’être présenté. Créateur de Battle Pope et Invincible, collaborateur régulier de Marvel, pour Marvel Zombies ou Ultimate X-Men notamment, il est surtout le créateur du monstre éditorial Walking Dead, qui écrase le marché francophone depuis plusieurs années (il se raconte qu’un comics vendu sur 5 ou 6 est un exemplaire de Walking Dead). Toujours motivé par de nouveaux challenges, il lance en 2015 un nouveau projet, dans la lignée de sa saga de survie zombiesque, Outcast…
Kyles Barnes vit en ermite depuis quelques années. Séparé de sa femme suite à une dispute houleuse durant laquelle il l’aurait tabassée, il rend visite aussi rarement que possible à sa mère, dans une forme de catatonie depuis un étrange évènement survenu alors qu’il était encore enfant. Entouré de vestiges d’un passé qu’il ne contrôle pas, peuplé de proches qui semblent habités par une force démoniaque, Kyle cache sa misère dans la pénombre d’une baraque négligée et une absence totale d’interaction sociale (sauf quand sa frangine débarque, et le force à se bouger les fesses).
Mais quand un prêtre vient frapper à sa porte, convaincu que Kyle peut l’aider à exorciser un jeune garçon possédé, les questions sont posées : est-il fou, ou a-t-il réellement une capacité spéciale pouvant « exorciser » ou libérer une âme en peine ?
Kirkman a ce don incroyable de donner vie à des personnages. On reproche parfois aux BD, aux comics ou à toute autre œuvre de fiction de présenter des stéréotypes ou des caractères désincarnés. Kirkman n’est jamais dans ce cas de figure : Kyle est un héros tragique et au passé lourd, pas très sympathique de prime abord, mais dont les secrets dévoilés au fil des pages justifient quelque peu le comportement atypique. Le révérend Anderson, de son côté, n’est pas une grenouille de bénitier, et se met en danger pour ce en quoi il croit, quitte à embarquer avec lui cet énergumène de Kyle. Dès les premières pages, le scénariste imbrique des choses, des ambiances, des personnes, des évènements, croise le tout dans un imbroglio temporel jamais rébarbatif, et embarque son lecteur dans une fresque crépusculaire, au cœur de l’âme humaine.
L’argument fantastique, comme chez Stephen King, ou comme dans Walking Dead, n’est qu’une belle justification pour cet immense portrait de groupe, qui pointe les failles et les beautés de ses héros. Déjà arrivé à son second tome, Outcast bénéficie en outre d’un développement parfaitement maîtrisé, et le deuxième volume est encore meilleur et plus puissant que le premier…
Paul Azaceta, de son côté, signe des planches lourdes et puissantes, dont le graphisme angoissant le dispute à la lisibilité. Comme souvent dans les grandes séries de comics, c’est le nom du scénariste qui nous amène à feuilleter un bouquin, et le dessin prend tout son sens au bout de quelques pages. Dans la lignée du travail de Sean Phillips, ce dessinateur encore méconnu mérite que l’on se penche sur son travail, et cette série d’ores et déjà best-seller aux USA (encore en phase d’installation chez nous) en est l’occasion ! D’autant que la chaine câblée Cinemax, propriété de HBO, vient de lancer la diffusion d’une adaptation télévisuelle… Les scores ne tutoieront jamais les records de Walking Dead, mais la qualité de Banshee, développée pour la même chaîne, peut laisser augurer du meilleur !
Delcourt, comme souvent, soigne l’édition, et se désolidarise du format choisi pour Walking Dead. Exit les recueils souples, voici une édition cartonnée en format copieux (papier épais, taille légèrement à la hausse), à la traduction (signée Hélène Remaud) impeccable, et à l’impression de qualité. Ne reste qu’à attendre la suite !
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