Si la maison d’édition Treize Étrange a perdu son indépendance voici déjà quelques années, elle fait désormais office de label atypique pour les éditions Glénat. Sortant des séries aussi déconnantes que Ratafia ou des romans graphiques de qualité, la voici qui nous offre un pavé redoutable, mené par un couple hors norme…
Sur les plages du Siam, au début XIXème siècle, un jeune naufragé s’éveille. Secouru par un capitaine de navire, il s’aperçoit qu’il a perdu la mémoire, et ne se souvient que de son nom, Abel. Rapidement pris en affection par l’équipage, il fait preuve, au fil des jours, de qualités dignes d’un véritable loup des mers. Mais les rencontres fortuites et les mésaventures le mèneront peu à peu vers ses souvenirs. Et les surprises seront évidemment nombreuses…
Teresa Radice bosse chez Disney avec son mari depuis quelques années, et prend depuis peu son indépendance. Après Violette autour du monde, jolie série sur le cirque ayant déjà glanée quelques prix jeunesse, voici son premier joyau. Somme foisonnante de poésie, d’épopée maritime, de romance flamboyante, le tout nimbé de fantastique, ce Port des marins perdus est l’une des surprises de cette première moitié d’année, et place la barre haute pour les suivants. Car si le pavé peut faire peur (plus de 300 pages, l’air de rien), la richesse de l’histoire, simple mais touchante, et ce mélange étonnant de dialogues et de poèmes cités au fil des pages créé une atmosphère unique en son genre. Aidée en cela, il est vrai, par le dessin hallucinant de son Stefano Turconi de mari…
Il se dit parfois que la couverture a pour but de vendre le livre, ou du moins de donner envie de l’ouvrir. Et que le dessin est ce qui nous fait entrer dans un album, et l’histoire ce qui nous fait rester. Autant la seconde affirmation se vérifie une fois de plus, autant la première pâtit d’un léger bémol : la couverture de ce bouquin n’est pas au niveau des pages qui le peuplent. Turconi fait des prouesses, dans ses planches, et offre un souffle et une délicatesse rarement atteinte dans une histoire de ce genre. Reflet parfait des séquences contemplatives et poétiques des dialogues et monologues, son dessin enlevé et subtil ne faiblit jamais, et réserve de véritables moments de bravoure, sans jamais jouer la grandiloquence. En cela, la couverture semble falote, et ne rend pas justice au contenu du livre.
Difficile de m’étendre sur l’histoire en elle-même sans la déflorer, alors que la surprise joue un rôle important dans le premier quart du volume. Sachez juste que sont abordés la filiation, l’amour du voyage et de la mer, la trahison, et une certaine forme de réincarnation. Le tout sous l’égide d’un jeune homme pas si innocent, d’une tenancière de bordel au grand cœur, et d’un capitaine au long cours trop gentil pour son propre bien.
Le port des marins perdus est une réussite totale, parfois un peu bavarde, mais qui fait du bien.
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