Black Box est un éditeur dont j’ai déjà parlé (notamment pour les excellents Devilman et Cobra). Mais outre les rééditions soignées dont il se fait la spécialité depuis Kimengumi – Le collège fou, fou, fou, il sort aussi des inédits de son chapeau, parfois mineurs mais sympathiques (Eitaro le négociateur), parfois tendres et légers (Ma gamine, la fac et moi), parfois historiques (Cléopatre ou Mako, Rumi et Chii, de Tezuka), et aussi pas mal d’inédits liés à l’histoire de l’animation en Occident (Abenobashi, les séries de Leiji Matsumoto ou Go Nagai, Vas-y Julie!). Ces derniers mois, une collection dédiée à l’horreur a vu le jour, et désormais une série récente et inédite se trouve traduite. Il s’agit du Monde de Ran, par Aki Irie, déjà auteure de la méconnue École bleue.
La jeune Ran, sous ses airs dépenaillés, n’est pas une fille comme les autres. Dernière née d’une famille de mages, elle semble dotée d’immenses pouvoirs hérités de ses parents, mais qu’elle ne maîtrise absolument pas, trop occupée qu’elle est à s’amuser. Son frère Jin, sérieux et ténébreux, peut se transformer en loup, et en a certains traits de caractère. Sa mère, d’une beauté proprement effarante, semble travailler à protéger l’humanité d’une menace indéterminée, quand son père, puissant et paisible, surveille les activités des uns et des autres. Mais le jeu principal de Ran, c’est chausser ces drôles de basket qui lui donnent l’apparence d’une adulte. Ayant aussi hérité de la beauté surnaturelle de sa mère, elle est confrontée bien trop tôt aux affres de l’amour, et doit gérer un amoureux plus que pressant…
Le monde de Ran fait partie de ces rares mangas à mélanger humour, sensualité, fantaisie et poésie. L’on pourrait glisser dans cette étrange non-catégorie The ancient Magus Bride, Bride Stories, Aqua / Aria, Marie et Élie – alchimistes de Salburg, et le tristement inédit par chez nous Yokohama Kaidashi Kikô. L’auteure intègre ainsi à une fresque familiale et fantastique des éléments de comédie romantique plutôt sexy, de purs moments de magie et de poésie, le tout nimbé d’un graphisme à tomber à la renverse. Ran est une pré-ado encore plutôt immature, qui rougit tout ce qu’elle sait quand un garçon la frôle, et ne comprend pas les réactions de son corps adulte lorsque son soupirant l’entreprend un peu trop franchement. Mais sa version adulte, sexy en diable, est fatalement un aimant pour les hommes, et elle compte souvent sur la chance, son inexpérience, sa gentillesse sans limite, et la bravoure de son rugueux frangin pour faire le ménage lorsqu’un gaillard va trop loin. L’honneur est sauf, mais il faut avouer que certaines séquences sont dérangeantes, même magnifiées par un dessin splendide. Ceci mis à part, l’aventure est belle, avec une enfilade de petits moments touchants et amusants, qui forment au fil des pages une histoire plus copieuse, et amène même à une épopée pleine de danger et de furie.
Pour accompagner un panel de personnages aussi vifs et attachants, Aki Irie convoque tout son talent, et se plonge entièrement dans son univers. Le découpage est fluide et dynamique, les héros tous plus charismatiques et beaux gosses les uns que les autres, et l’encrage possède une énergie redoutable. Enfin, il faut bien le dire, les couvertures sont splendides, flamboyantes et soignées.
Black Box possède ici encore une petite pépite. Peut-être pas un énorme best-seller, mais le genre de saga attachante et un peu barrée, originale et flamboyante, sexy et drôle, et méritant une reconnaissance marquée. À souligner une fois encore, la qualité du travail éditorial : la traduction (signée Jérôme Penet) est soignée, la fabrication fidèle aux bases posées par Cobra (plusieurs crans au-dessus des Kimengumi et des premières parutions, donc), incluant grand format, pas de jaquette, papier blanc et épais, impression parfaitement contrastée. Seule petite étrangeté, les onomatopées, qui semblent provenir d’une version américaine. Et quelques coquilles, mais guère plus que chez d’autres éditeurs bien plus huppés.
Il reste 3 tomes après cette première fournée de 4, espérons que la suite sera à la hauteur !
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