Des BD en veux tu en voilà, c’est ce que nous réceptionnons chaque jour en librairie. Certaines voguent sur la mode, sur le sensas’, sur le sexe, sur l’effrayant, l’imaginaire… et parfois dans ce lot, il y en a une qui se démarque. Pas tant par l’originalité du dessin, ou un phrasé exceptionnel mais pour un choix osé, sujet à controverse. Dans ce cas, la moindre des choses que je puisse faire c’est au moins la lire. Et ici, je l’ai lue et appréciée, si tant est que le terme puisse être utilisé sur un tel sujet.
Je vous présente donc ici l’appel du scénariste Laurent Galandon et du dessinateur Dominique Mermoux aux édition Glénat. Le sujet traité est le sujet omniprésent des radios et télé du monde entier : le djihadisme.
Contexte classique : un jeune homme tout juste majeur, français, athée, se convertit rapidement et de façon extrême à ce qu’il croit être l’Islam. Il part en Syrie, s’engage dans un groupe terroriste et il meurt.
Mais prenons le temps de voir pour quels détails les auteurs ont opté, détails qui font de ce témoignage fiction une oeuvre intéressante, voire percutante.
Originaires d’une cité, Benoît et sa mère déménagent en banlieue, dans un pavillon, pour sortir de ce cadre aux fréquentations négatives nombreuses. Ce choix géographique marque une première victoire, pas de parent irresponsable, démissionnaire, et de quartier où la devise est « marche ou crève ». Merci !
Ensuite, les auteurs ont opté pour 7 personnages aux rôles clés :
- Benoît, le jeune converti / mort en sursis. Intelligent, beau, poli, cultivé, réfléchi, en parfaite entente avec sa mère mais ayant perdu son père jeune. Et un point appréciable, un ! Il ne s’agit pas du cliché du jeune idiot qui se laisserait embrigadé par manque de neurones.
- Bilal, son meilleur pote n°1, mort tout court. Victime d’une crise d’épilepsie non prise à temps lors d’une arrestation, victime d’une bavure comme va le penser Benoît. Mais on le découvre plus tard, victime également des intégristes qui avaient réussi à lui vendre du rêve et victime de lui-même pour avoir choisi d’y croire. La mort, cette joueuse, frappa avant eux.
- Baakari, son meilleur pote n°2, beau gosse, drôle, sportif, et aux faits de ce qui se tramait dans la tête de Benoit mais suffisamment crédule pour l’avoir cru lorsqu’il lui a dit qu’il abandonnait la religion. Son rôle, le pire de tous, prévenir la mère s’il venait à mourir en « martyr ».
- Cécile : la mère. Sans foi ni loi (et n’y voyez aucun jugement de ma part), elle remonte le réseau d’engrenage que son fils a suivi avec pour seul objectif de remettre la main sur celui qu’elle a nourrit et éduqué durant 18 ans. Elle va pour cela menacer, tricher, mentir, mais rien n’y fera. Un personnage ici touchant, qui vous prend aux tripes et, par la façon dont les auteurs ont choisi de nous la présenter, qui redonne de l’humanité à une situation terrible pour tous.
- Najat, convertie, intégriste en apparence, jeune femme de Benoît et jeune future mère de 17 ans qui profitera de la main tendue de Cécile pour s’extirper du pire choix de sa vie. Sa rencontre avec Cécile dans ce petit hôtel de Turquie marque le renouveau.
- Sofiane, ancien beau-père de Benoit, musulman qui tente de montrer à ce jeune en perdition ce que la religion a de beau, de généreux avec pour secret espoir de le faire revenir sur son choix.
Et enfin, et non des moindres, le 7e personnage clé, oublié de tous et pourtant tellement actif dans ce drame :
- l’adolescence, la jeunesse, qui ici rêve d’engagement, de reconnaissance, de bien-être et qui, secrètement, sans oser l’avouer, a un besoin viscéral d’amour. Et cet amour, c’est ce qu’elle croit recevoir dans cette lutte, et, plus puissant encore, c’est ce qu’elle croit donner en mourant pour la cause.
Alors d’accord, ce n’est peut-être pas ce qu’on a envie de mettre sous le sapin, mais néanmoins, cela peut avoir un sacré rôle d’ouverture pour nos jeunes. Pensez-y !
Un récit rapide, une sorte de focus sur une période courte de la vie de plusieurs personnes, toutes victimes, associé à un dessin noir, blanc, réaliste et juste (ni trop sombre, ni trop détaillé, ni trop coloré). Bravo !
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