Après la pluie, une anthologie
Nous connaissons la mangaka Jun Mayuzuki surtout pour sa série Après la pluie. Une comédie initiatique qui sonne juste et touche profondément chaque lecteur. Akira Tachibana a 18 ans, elle est en classe de première au lycée. Après les cours, elle travaille dans un restaurant familial géré par Masami Kondô, 45 ans. La jeune fille, plutôt introvertie, est secrètement très attirée par son patron. Alors qu’Akira s’apprête à peine à sortir de l’adolescence, Kondô, lui, est déjà à la moitié de sa vie. Il n’est ni beau ni charismatique, juste un homme ordinaire, un peu fatigué, désillusionné, conscient de sa situation et de son âge qui avance. Akira, elle, était l’espoir du club d’athlétisme avant qu’une blessure à la cheville brise ses rêves de gloire. La jeune fille est encore dans le deuil de sa passion quand elle croise la route de Masami. L’homme fait preuve de gentillesse à son égard sans mesurer à quel point son attention va toucher Akira ni les sentiments qui vont naitre en elle. Un jour, dans un élan inexpliqué, elle fait une déclaration à Masami. Ce dernier ne la prend pas au sérieux. Choquée, mais décidée à ne pas laisser la déprime s’emparer d’elle, Akira fait une nouvelle déclaration, qui cette fois, ne pourra pas être prise à la légère… Comment Masami, qui se soucie d’elle comme un père mais est conscient des charmes de la jeune fille, va-t-il réagir à la puissance des sentiment de la jeune fille?
Après la pluie est une histoire délicate et rafraîchissante, jamais mièvre. Dans les tracas du quotidien et le poids de nos vies, Jun Mayuzuki glisse tellement de poésie. Elle parvient à sublimer le sentiment amoureux sans en faire trop, en le laissant être ce qu’il est: complexe, sincère et désarmant… De par son dessin, elle insuffle de la finesse, de la délicatesse à son récit, et en fait une œuvre soignée et puissante. Les dialogues sont tout autant maitrisés et chaque personnage secondaire a sa place, portant avec lui des thématiques fortes. Le tout forme une série en 10 tomes qui restera longtemps en vous, quand la pluie aura cessé de tomber…
Sous le béton de Kowloon
Après la pluie, le public conquit par la mangaka a pu découvrir Kowloon Generic Romance. Moins suivie que sa grande sœur, cette série, toujours en cour chez nous et au Japon, est pourtant forte. Cette romance se déroule dans la citadelle imaginaire de Kowloon, sorte de mutation de Honk-Kong, en un labyrinthe de ruelles et de boui-bouis. Deux agents immobiliers dans la trentaine sillonnent cet enchevêtrement de béton, Reiko Kujiraï et Hajime Kudo. La complicité qui les lie appelle à la romance. Mais cet amour naissant est-il si nouveau? Reiko trouve une photo d’eux sur laquelle ils semblent très proches… Bien plus proches qu’ils le sont actuellement… Passé, présent et futur vont se confondre dans les quartiers à la nostalgie sublime de Kowloon. Si cette série apporte du fantastique, Jun Mayuzuki touche encore juste en dépeignant brillamment les relations et les désirs secrets de ses protagonistes. L’architecture de la citadelle est importante dans le récit et c’est dans cette idée de structure que la mangaka sublime son récit par des cadrages ingénieux, des découpages forts où chaque détail a son importance. On s’interroge sur les notions de temps et une nostalgie poétique nous envahit. Entre les sentiments naissants, elle parle de modernité, renvoyant le lecteur à des questionnements sur le progrès et la futilité de nos existences.
La psychologie féminine, et masculine, est décrite avec une finesse folle et l’ambivalence des décors rétros teintés de science-fiction rappelle à quel point nous sommes des êtres complexes.
C’est beau, vraiment très beau et cette deuxième série assied définitivement le talent de Jun Mayuzuki!
Good Bye Daisy Sayonara
La toute première histoire de Jun Mayuzuki sort en 2007 au Japon et va bouleverser des milliers de lecteurs. Sayonara Daisy dépeint avec intensité la beauté et l’absurdité des sentiments féminins. Entre 2007 et 2017, la mangaka publie plusieurs histoires courtes, et c’est en 2018 que le Japon en fait une anthologie. Là voila enfin sous nos latitudes grâce aux éditions Kana. On y retrouve 6 histoires qui suivent 6 héroïnes différentes, désinvoltes et attachantes à l’image des deux séries de l’autrice. On retrace ainsi les premiers travaux de Jun Mayuzuki et on suit l’évolution de son dessin, sa narration et surtout son découpage; sa grande force. Ces histoires abordent toutes des thématiques sociétales peu traitées à l’époque : la transidentité, la société de consommation, l’aseptisation des dernières générations, l’addiction aux réseaux sociaux et l’image déformée qu’ils renvoient de nous-mêmes, la marginalisation… L’autrice y dépeint aussi des histoires d’amour et des vies fades où des personnages se laissent porter par les attentes sociétales, la pression sociale et leur propre inertie face à ces situations. Les personnages sont imparfaits, sans détour et parfois dérangeants… mais tellement attachants.
Si les deux séries phares de la mangaka n’attirent pas d’emblée un jeune public, Kana s’est interrogé sur le risque que les plus petits lecteurs se trompent à la couverture de l’anthologie et y plonge sans avertissement. Au lieu de blister l’ouvrage ou de la tamponner sauvagement d’un « Public averti » ils ont fait le choix, intelligent, de proposer une jaquette réversible. La principale, qui est une proposition inédite, offre une vue d’ensemble de l’anthologie et de toutes les héroïnes, ainsi que l’évolution du trait de l’autrice. Ceci permet d’éviter au maximum l’exposition de l’œuvre auprès d’un public qui n’est pas en âge de lire les histoires. La mangaka réalise un travail vivant qui ne conviendra qu’aux plus âgés avec ces histoires de vie où les relations sexuelles sont abordées crument. La réversible, très semblable à l’édition japonaise, qui permettra de retrouver l’illustration dessinée par Jun Mayuzuki et qui est de toute beauté.
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