Elle m’accompagne depuis l’enfance : Circé la magicienne. Elle m’a immédiatement fascinée et depuis notre première rencontre je suis une partisane de sa cause : celle des femmes fières, libres, indépendantes et redoutables.
Dans l’Odysée d’Homère, et dans presque toutes ses retranscriptions, Circé est présentée comme une femme fatale qui use de ses charmes pour corrompre et asservir les hommes. On la réduit souvent à son sort de prédilection celui de les transformer en cochons ! Mais Circé est bien plus que ça : plus complexe, plus ambivalente et l’album de Gabriel Delmas & Richard Marazano rend un très bel hommage à cette icône féministe.
Les auteurs prennent le parti de raconté l’Histoire du point de vue de la magicienne et placent leur récit du côté des femmes soumises à la domination masculine et à la violence qui est glorifiée. Il ne faut pas oublier que lorsque Ulysse et ses compagnons débarquent sur l’île d’Ééa, ils sortent de la guerre de Troie et qu’ils s’y sont illustrés en ayant tué, violé et pillé. Ils sont auréolés de gloire : ils sont des guerriers, des conquérants, des Justes. Sur l’île, ils sont accueillis par Circé, qui leur promet « le réconfort et la paix ». Le lendemain matin, au réveil, Ulysse découvre que ses compagnons ont été victimes d’un sort. Ils sont transformés en porcs doués de parole, et ils supplient leur chef de les délivrer de cette inhumaine condition. La magicienne a ainsi voulu les libérer de leur orgueil et de leur soif de conquête…
Homère et Virgile décrivaient Circé comme une Déesse mais les revisites masculinistes du mythe en ont fait une sorcière, réduite au rôle d’enchanteresse puisque trop dangereux de laisser courir ce symbole d’indépendance et de pouvoir féminin. Dans leur album, les auteurs proposent une critique de la violence et de la domination masculine, illustrée par le comportement conquérant d’Ulysse et de ses marins, habituellement présentés comme des héros face à la perfide Circé. Récit épique autant que politique, leur Circé propose ainsi de faire un pas de côté et de remettre en question les clichés qui ont trop souvent inspiré les adaptations de ce récit mythologique. Le texte original de Richard Marazano est relayé par le graphisme puissant et singulier de Gabriel Delmas, mélange de dessin, d’effets de matières et de trames, qui instaurent une atmosphère à la fois réaliste et onirique dans cette relecture originale d’un mythe fondateur.
Pour un extrait rendez-vous ici
Je profite de la sortie de cet album pour ajouter une lecture au sujet : le Circé de Madeline Miller.
Si son premier roman Le chant d’Achille fait un tabac sur TikTok (merci Ayman Chaudhary et #BookTok) il ne faut surtout pas manquer son Circé ! Véritable biographie fouillée, documentée et merveilleusement bien écrite, elle vous emporte dans le destin de la magicienne et se lit comme un merveilleux roman !
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