Dans la vie d’un cinéphile (voire cinéphage), il y a des jalons, des films étapes, qui marquent durablement. Assez récemment, dans mon cas, il y eut Avatar, vu en 3D active et en salles, et qui augurait bien de ce que pourrait devenir le cinéma d’action : une expérience physique, impliquant plus les réflexes physiologiques que les sentiments, embarquant le cerveau du spectateur dans un grand huit d’illusions. Il y a désormais l’étape suivante, et il s’agit de Mad Max : Fury Road…
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George Miller, c’est ce fou furieux qui a pondu, en 1979, Mad Max, premier film séminal qui lança la carrière de Mel Gibson, puis Mad Max 2 : Road Warrior, qui créa un genre bien particulier, le cinéma post-apocalyptique. Source d’inspiration pour tous les artistes ayant touché à ce domaine depuis (Hokuto no Ken, alias Ken le survivant, de Buronson et Tetsuo Hara en étant le représentant le plus connu), ce premier diptyque avait la rage et l’envie d’un jeune réalisateur visionnaire, mais aux moyens limités. Le troisième film (Beyond Thunderdome), venu plus tard, était un échec artistique, malgré des moyens bien plus élevés (une constante dans la carrière de producteur-réalisateur de Miller : le premier Babe, qu’il produisit, fut un succès sur toute la ligne, mais le second était trop noir pour son public, et se planta lourdement. Idem pour Happy Feet, dont le premier fut une belle surprise et fit de beaux scores au box office, mais le second était tout simplement loupé, et la sanction fut lourde). Voir revenir le maître sur son œuvre originelle, celle qui reste sa référence filmique, pouvait donc se voir comme un constat d’échec ou au contraire, comme un retour aux sources. Et le projet planait depuis tellement longtemps (les premières rumeurs datent de 1999, l’air de rien, et le script de l’époque était étonnamment proche de celui-ci) que ça devait bien finir par se faire, même mal.
Mais au fur et à mesure du développement, les changements partaient dans un sens plutôt rassurant : exit Mel Gibson et ses délires antisémites, d’autant qu’il se faisait un peu vieux pour ces conneries. On se dirige finalement plutôt sur un reboot qu’une pure suite, et bien plus dans l’esprit du second film que des deux autres. Le grand méchant est incarné par le même acteur que dans le premier, et Max par Tom « dans-tous-les-bons-coups » Hardy. Et puis mois après mois, image après image, on se rend compte que Miller, 35 ans après, a les moyens de sa vision. Pensez un peu, 150 millions de dollars, pour filmer du désert et des voitures ! Le résultat ?…
Un gigantesque mandale en pleine gueule, le voilà, le résultat. Miller a pris le meilleur de ses films précédents, même du trois (les créatures grotesques, cette faune déglinguée et inféodée à des seigneurs de guerre cyniques et tout puissants), et a remis tout ça dans une course-poursuite monumentale. Sans limite, il a ouvert un cahier vierge, et ne s’est rien interdit en matière de narration, laissant planer durant tout le film cette furia qui laisse les personnages au bord de la mort et le spectateur en apoplexie : là où bien des films d’action sont une enfilade de jolies séquences, au-dessus desquelles plane un héros tout-puissant et immortel, ici, tout le monde peut crever. Les fauteuils vont sentir les griffures des crispations des spectateurs, tenus en haleine durant la quasi-totalité du métrage par les dangers hallucinants qui tombent littéralement du ciel sur les héros !
Et les héroïnes, of course ! Car l’une des belles surprises du film, ce sont les personnages féminins. Aussi dangereuses et déterminées que leurs comparses masculins, elles sont loin du rôle de potiches ou de princesses à sauver qui leur est généralement dévolu, et c’est tant mieux ! Charlize Theron n’a rien à envier à Tom Hardy en matière de fêlures et d’instinct de survie, et les filles perdues qu’ils essaient de sauver ont de bonnes raisons d’avoir la peau douce et les cheveux parfaitement brossés…
Au final, Mad Max : Fury Road, c’est bel et bien la tuerie annoncée, un film viscéral et spectaculaire au-delà de l’imaginable, porteur d’une vraie vision. En bref, un film d’action d’auteur, ce qui n’est pas rien !
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