Etorouji Shiono reste l’une des belles découvertes de ces dernières années. Alors que de nombreux lecteurs piaffent d’impatience entre chaque tome de Berserk, Ki-Oon a eu le coup de cœur pour Übel Blatt, une autre saga de dark-fantasy, plus moderne, plus « hype », qui a son petit succès au Japon. Mais ce qui différencie Ki-Oon des autres éditeurs francophones, c’est qu’ils ont le nez pour débusquer ces séries qui, sans être inconnues au Japon, ne sont pas de grosses ventes pour autant, mais sont taillées pour le marché occidental. Übel Blatt en est le prototype. Graphisme léché, histoire sombre et pourtant grand public, un peu de fanservice au passage, que demande le peuple ? L’auteur, de son côté, semble avoir la bougeotte, et a du mal à se fixer sur cette seule série. Perfectionniste, apparemment décidé à aller chercher l’inspiration ailleurs que dans les sempiternelles thématiques 100% nippones, il passe ici de la fantasy au space-opera, un autre genre sous-représenté au Japon. Avec le même bonheur ? Voyons ça…
D’emblée, une chose étonne : si le bouquin jouit d’une belle fabrication, et d’une jaquette toujours aussi classe, le logo n’est pas celui de Ki-Oon. C’est ainsi l’une des premières fois que Doki-Doki, la branche manga des éditions Bamboo, édite un best-seller en puissance, profitant pour ça de la parfaite rampe de lancement qu’est la Japan Expo, cette orgie qui concentre l’équivalent d’un mois de parutions sur 3 jours. On peut supposer qu’ils ont cassé leur tirelire, Ki-Oon aimant généralement mener une politique d’auteurs. Mais trêve de bavardage, nous sommes ici pour parler de Zelphy, pas de son éditeur…
Le jeune Lysja est le prince déchu d’un royaume concassé par les velléités hégémoniques d’Aion, un conglomérat militaire quelque peu tentaculaire. Alors qu’il mène une vie guère palpitante dans les tréfonds d’une cité spatiale, systématiquement recalé lorsqu’il se présente au concours d’entrée à l’Armée, il se retrouve embringué dans une histoire qui, de prime abord, le dépasse… Sauf que lors d’un drôle de combat, il va croiser un chat parlant qui va, d’un coup de patte, régler son cœur artificiel défaillant, et lui offrir une force aussi colossale qu’inattendue. Après de multiples rencontres et mésaventures, il finit par se mettre à dos les plus hautes instances des Gardiens d’Aion, qui mettent tout en œuvre pour le détruire. Mais est-ce bien lui qu’ils pourchassent ?
S’il est une chose que l’on ne peut reprocher à Etorouji Shiono, c’est le manque d’ambition. Sa soif de raconter des histoires lui joue parfois des tours, et le lecteur se retrouve d’emblée bombardé d’informations. Les amateurs de science-fiction ne seront pas dépaysés, tant les sujets traités ne sont jamais foncièrement originaux. Ce qui leur donne de l’épaisseur, c’est le cumul d’idées, ce melting-pot de petits concepts qui, mis bout à bout, créent un bouillonnement réellement rafraichissant. Entre l’armée équipant ses nouveaux soldats d’un implant les rendant, certes, plus forts, mais surtout plus obéissants, entre Pico Pico, la batterie increvable et dotée de sentiments, et Énoc, le chat hébergeant le cerveau d’un vieux pirate, c’est un joyeux foutoir, plaisant et franchement jubilatoire. La présence de jolies filles restant un tic de l’auteur, tout est en place pour une épopée que ne renierait ni Yukito Kishiro (Gunnm), ni Buichi Terasawa (Cobra).
Car les jolies filles, ça, il y en a. Le dessin reste aussi spectaculaire que sur l’autre saga de l’auteur, d’autant que les designs sont toujours aussi soignés, dans une ambiance plus proche de Tron. Le graphisme rond et maitrisé n’est pas sans rappeler, une fois de plus, celui de Kishiro sur Gunnm Last Order, ou celui de Kenichi Sonoda sur Exaxxion, dans une moindre mesure. Le découpage, toujours cinématographique, laisse la part belle à l’action, et délaie parfois un peu trop les évènements (ces deux premiers volumes se lisent en un gros clin d’œil), mais rien de gênant ou de frustrant. D’autant que la fin du second volume ouvre une toute nouvelle voie dans l’histoire : et si, en fait, ce n’était pas Lysja le protagoniste principal ?
Bref, Zelphy, c’est l’une des belles découvertes de cette année, sans aucun doute ! Maîtrisée de bout en bout par un auteur passionné, voilà une série qui va faire des ravages (et pas seulement par sa qualité : seuls trois tomes sont parus à ce jour au Japon, en 18 mois…), si toutes les promesses de ces deux premiers volumes sont tenues.
Du même auteur, donc :
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