Il arrive parfois, au détour d’un linéaire, que l’on découvre un album évident, un peu miraculeux. Le genre qui sort de nulle part, mais qui semble avoir attendu son heure pour voir le jour. Petit est de ceux-là.
Petit est le fils du Roi des géants, créatures monumentales se nourrissant de chair humaine, et menant une vie de stupre et de violence. Mais pour son malheur, il est né minuscule, tout juste la taille d’un bébé humain. Sauvé par sa mère, qui voit en lui le renouveau de sa famille dégénérée, il va s’étoffer sous le regard bienveillant de sa grand-mère gigantesque mais humaniste. Résistant vaille que vaille aux réflexes de son espèce, Petit va finalement se dévoiler, et devoir choisir entre les humains et les géants.
Hubert, le scénariste, a déjà signé plusieurs séries de qualité. Outre Beauté et Miss pas touche, avec le génial duo Kerascoët, il signe aussi le scénario et les couleurs du Legs de l’alchimiste, et travaille régulièrement en tant que coloriste sur des séries prestigieuses (Spirou et Fantasio, L’ordre de Cicéron…). Mais rien ne nous avait préparé à ce premier tome des Ogres-Dieux. Conte pour adulte, à la morale difficilement cernable, ce volume secoue le lecteur par le tempérament du héros et de son ascendance : sous ses airs de beau gosse baraqué, Petit perd parfois contenance, et réagit avec la violence et la force de son espèce, pulvérisant ceux qui se mettent en travers de son chemin. Et si sa mère, moins imbécile que son mari, entrevoit la possible destinée de son rejeton, elle n’en est pas moins une Reine, et ses désirs sont toujours liés à la raison d’État. Bref, un univers médiéval sinistre et malsain, entrecoupé avec brio par les biographies succinctes des ancêtres de la famille. Du Fondateur, qui conçut toute sa descendance avec des humaines, à son grand-père qui souhaitait arrêter de manger des humains, et apprendre d’eux inventions et évolutions techniques, on découvre plusieurs pans d’une même montagne, et on se rend bien compte que la race des Géants est menacée, par consanguinité et débilité.
Gatignol, de son côté, amène une lumière et une précision du trait implacables, dans un genre que l’on peut situer entre la vague Merwan / Vivès et les plus anciens Arno ou Serrano). Les qualités que l’on avait déjà découvertes dans Pistouvi (retitré Jeanne dans une réédition en couleurs) explosent ici avec une force encore plus grande. La démesure des géants, l’expressivité des visages et des regards, la brutalité des combats et des séquences de banquets (la gloutonnerie n’est ici pas un vain mot, chaque géant ayant constamment, qui un bras, qui une jambe d’humain au coin de la bouche), ce noir et blanc flamboyant, voici un graphisme qui laisse des traces, et va à merveille au ton à la fois sombre et merveilleux de cette fable pour les grands. Et une fois arrivé à la dernière page, le lecteur ne peut qu’espérer découvrir un jour la suite des aventures de ce Petit, ou plutôt de ce Chêne, comme l’appelle son amoureuse humaine…
Une réussite incontournable, dans une collection (Métamorphose, au sein de laquelle nous avons déjà découvert Billy Brouillard ou Les carnets de Cerise) qui ne fait décidément pas de fausse note !
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