Les chroniques d’Arslān de Yoshiki Tanaka sont, on ne le sait pas vraiment en occident, un succès éditorial énorme au Japon. Publié en catimini par Calmann-Lévy, le premier roman ne rencontra guère de succès en 2008, et la série (qui compte 14 tomes depuis 1986, et est en cours au Japon) fut stoppée. Une première adaptation en manga a vu le jour dans les années nonante, mais rien de commun avec celle qui nous intéresse aujourd’hui, puisqu’elle est signée Hiromu Arakawa, auteure best-seller majeure dans le monde entier. Si ses dernières séries connaissent un succès d’estime chez nous (Nobles paysans et Silver Spoon notamment), c’est bien FullMetal Alchemist, qui aida Kurokawa à s’imposer sur le marché francophone. On parle ici d’une série dont les ventes cumulées au Japon s’élèvent à environ 80 millions d’exemplaires, et qui fut, en France, la troisième meilleure vente derrière Naruto et One Piece durant l’ensemble de sa publication.
Arslān est le fils du roi Andragoras. Jeune homme un peu chétif, écrasé par la personnalité belliqueuse de son paternel, il est aussi marqué par le désintérêt que lui porte sa mère. Entouré de guerriers, peu à l’aise les armes à la main, il tente de se faire sa place, sans vraiment y parvenir. Sa qualité la plus flagrante ? Il est foncièrement gentil, et s’intéresse au sort des autres en essayant de se forger sa propre opinion. Aux abords de ses 14 ans, il chevauche pour sa première bataille auprès de son père et ses 130.000 guerriers. Mais cette bataille, a priori gagnée d’avance, s’avère un traquenard infâme, et il va devoir se trouver une équipe de braves pour l’aider à revenir chez lui…
Ce premier volume bénéficie d’une première édition limitée, qui permet de lire une chouette interview des auteurs. On y découvre ainsi que Tanaka, auteur majeur de la fantasy japonaise, a laissé les clés à Arakawa, auteure elle aussi majeure dans son propre médium. L’histoire se lance ainsi de manière tonitruante dans ce premier volume, et on y découvre, comme toujours avec Arakawa, des personnages moins monolithiques qu’il n’y paraît. Arslān pense être nul au combat ? Il défend sa peau avec vaillance, et n’hésite pas à tuer ses adversaires. Le Roi se pose en guerrier qui ne recule jamais devant le danger ? Il décide, à contrecœur, de battre en retraite devant l’hécatombe, mais le fait avant d’avoir sonné la retraite, et laisse ses soldats penser qu’ils sont abandonnés. Un jeune homme prisonnier dit toute sa haine du système de castes de Parse, le pays d’Arslān, avec ses esclaves et ses sous-citoyens ? Il cautionne dans le même temps une guerre sainte menant au massacre de tous ceux ne pensant pas comme lui et ses concitoyens de Lusitanie… Il est par ailleurs évident que les auteurs ont puisé leur inspiration dans l’Histoire, la vraie, avec la Perse en point central. Mais ce n’est qu’une porte d’entrée, et l’épopée qui attend Arslān sera de la fantasy héroïque dans la grande tradition !
Quant au graphisme, Arakawa maîtrise depuis FMA (le petit nom de FullMetal Alchemist) les combats épiques et la virilité des soldats. Elle ajoute ici une ampleur et une efficacité dans le découpage qui montre son évolution, tout en conservant ses grandes qualités en terme de design. Et ses héros, tous identifiables, répondent aux codes habituels du shônen sans tomber dans la caricature stérile. D’autant qu’elle s’amuse, comme Tezuka en son temps, à distribuer les rôles, et à se jouer de l’apparence d’un personnage pour dérouter le lecteur.
Difficile de juger de la valeur d’un projet qui s’annonce monumental (les auteurs parlent d’une longue série, qui suivra les romans) dès son tome 1, mais si les suivants tiennent toutes les promesses lancées dans celui-ci, nous sommes face à une saga qui fera date !
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