Dans la série « chroniquons une série finie », je voudrais GTO ! Publié depuis une quinzaine d’années sur le marché francophone, Great Teacher Onizuka (dans son titre complet) fut un succès aussi fulgurant qu’inattendu. Coup de cœur de l’éditeur, traduit avec passion par Vincent Zouzoulkovsky, GTO totalise depuis sa parution française pas loin de 3 millions d’exemplaires vendus. Véritable phénomène au Japon, la série a depuis étouffé tous les autres projets de l’auteur (Tokko, Kamen Teacher, Rose Hip Rose / Zero), qui revient un peu contraint sur son personnage fétiche de manière récurrente. En septembre sortira par exemple GTO Paradise Lost, qui raconte la « mission » d’Onizuka dans un lycée fréquenté par des stars. Et aussi Ino-Head Gargoyle, qui dévoile les mésaventures toujours bien immorales de Saejima, son pote flic résolument ripou. Ont par ailleurs déjà été publiés Shonan Junaï Gumi (alias Young GTO), qui raconte les années collège du héros et son pote Ryuji (et Saejima), Bad Company, série courte se déroulant encore avant et racontant la rencontre entre les deux sales gosses, GTR, alias Great Transporter Ryuji, la vie de son comparse, et GTO 14 days, qui raconte par le menu les turpitudes d’un Onizuka parti se ressourcer pendant une petite quinzaine de jours durant lesquels il disparaît de la série originale (une sorte de série dans la série, donc). Si aucune n’arrive au niveau de GTO, à ce jour son chef d’œuvre, voyons un peu pourquoi…
Eikichi Onizuka est un zoku : un loubard à la petite semaine, un délinquant plus tout à fait juvénile. Tout juste âgé de 22 ans, il doit se rendre à l’évidence : il doit trouver un boulot ! Puceau et enfermé dans ses petites habitudes, après un cursus entier occupé à pourrir la vie de ses profs et à tricher, il cherche LE métier facile, le boulot qui, sans forcer, lui permettra de bien gagner sa vie et de draguer les minettes… Il découvre un jour qu’un prof, moche et ventripotent, est l’amant d’une jeune étudiante qui lui faisait de l’œil. Sous le choc, il décide de se présenter au concours pour devenir professeur à son tour. Mais s’il devient enseignant, c’est à une condition : il sera LE meilleur enseignant du Japon, le Great Teacher Onizuka !
D’un point de départ aussi crétin, on pouvait attendre une comédie lourdingue, portée uniquement sous la ceinture, comme l’est souvent Young GTO. Mais Fujisawa a totalement saisi l’essence même de son personnage. Crétin débile dès lors qu’une culotte pointe le bout de son nez, manipulé comme un gamin par la première gamine venue, il est aussi capable de sauter d’un immeuble ou de braver les flammes pour sauver un élève. Alternant moments de pure bêtise et instants de grâce, Onizuka est avant tout conscient très rapidement du poids de sa charge. Si ses collègues et supérieurs soignent leur image, et souhaitent faire une carrière sans vague avec des élèves dociles, Onizuka veut leur redonner foi en l’école. Lui qui a subi les brimades de ses profs durant toute sa scolarité est bien placé pour connaître les frustrations qui poussent un ado à commettre des petits (ou gros) délits. Il sait souvent avec une ingénuité feinte trouver les mots et les méthodes « choc » pour remettre un(e) élève dans le droit chemin, quitte à risquer sa vie, sa carrière et la réputation de son établissement. Dans la tradition des shonen d’action, Dragon Ball et One Piece en tête, Onizuka affronte des ennemis toujours plus retors, mais finit toujours (ou presque) par se les mettre dans la poche, ou au moins les neutraliser.
Si le graphisme de Fujisawa est aussi efficace, c’est certainement dû à ce mélange étonnant entre réalisme exacerbé (décors, environnements) et l’aspect cartoon totalement absurde qui enveloppe les méfaits et délires du héros : véritable surhomme, Onizuka ne craint rien ou presque, se découvre des capacités ahurissantes dès lors qu’il a confiance en lui et son projet. Appuyé par une secrétaire générale dont les motivations sont parfois troubles, le héros déglingué de cette saga folle est une tempête dans l’univers policé et hautement stratégique de l’enseignement japonais. Grain de sable dans les rouages d’une machine qu’il se fout totalement de comprendre, Onizuka place ses collègues face à leur responsabilité : ils doivent aider les gamins à grandir, à se préparer à la vie, et pas en faire de parfaits petits moutons prêts à se rendre en file indienne à l’abattoir de la vie professionnelle.
En ça, GTO est aussi une charge phénoménale vis à vis de l’éducation japonaise (et pas que, allez savoir…). Entre les parents qui se dédouanent sur les professeurs, les écoles qui ne pensent qu’à la réputation qui leur permettra d’augmenter le nombre d’inscrits l’année suivante, les élèves au comportement antisocial, et les enseignants eux-mêmes qui font rapidement passer leur carrière loin devant le bien-être de leurs pupilles, l’école japonaise n’est pas toute rose. Les élèves martyrisés, les associations de parents d’élèves qui sèment la terreur dans les hautes sphères de l’enseignement, les élèves terribles qui menacent la sécurité de leurs camarades, ce monde là ne tourne pas rond, et Onizuka entend bien secouer ce prunier !
GTO, c’est tout simplement jubilatoire, aussi fun que malin, assénant avec la subtilité d’un marteau piqueur des messages salvateurs, par le biais d’un personnage redoutable de drôlerie et d’intégrité. GTO, c’est culte, qu’on se le dise !!
GTO (Great Teacher Onizuka)
Édité en 13 volumes doubles
Éditions Pika
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