Les éditions Black Box, après quelques années plutôt discrètes, se lancent désormais dans des projets plus ambitieux. La publication des inédits de Kimengumi, alias Le collège fou, fou, fou, c’est eux. La prochaine réédition de Cobra et donc Kimengumi, pour l’année 2016, c’est encore eux. Mais leur gros coup dans les parutions de cette année, c’est le début de cette collection Go Nagai. Auteur aussi culte que méconnu en occident, il a été malmené lors de ses précédentes éditions chez Dynamic. Mais Black Box prend les choses en main, et signe la plus belle édition que l’on puisse imaginer pour du manga : grand format, absence de jaquette (question de goût, mais ici, ce choix fait sens), nouvelle traduction, sens de lecture – évidemment – japonais, pages couleurs autant que possible, et un papier d’une qualité remarquable (là où les éditeurs dits « traditionnels » doivent caler un cahier de papier glacé pour les pages couleurs, le papier mat choisi par Black Box est d’une qualité telle que le rendu des couleurs et des noirs est splendide). Après Goldorak / Grendizer, titre le plus connu mais finalement mineur, voici l’un des chefs d’œuvre de Go Nagai, de ces sagas qui alimentent encore l’imaginaire japonais : DevilMan…
Akira est un jeune homme discret, voire un tantinet lâche. Régulièrement moqué par son amie Miki, il doit bien admettre que sa gentillesse et son intelligence ne compensent pas vraiment sa faiblesse physique. Ryô, son meilleur ami, est un mystère : discret et sérieux, il est par contre charismatique et costaud, et ne se laisse pas embêter par les voyous qui harcèlent Akira. Un jour, suite à la découverte du journal de son père disparu, il propose à Akira d’acquérir des pouvoirs phénoménaux, pour contrecarrer la montée en puissance de démons reprenant vie… Il lui propose d’héberger l’âme d’un démon dans son corps humain afin de fusionner intelligence et force physique. Il propose de le transformer en homme-démon… Un devilman !
Comme souvent avec Go Nagai, une forme de naïveté prime au début de l’histoire, et peut surprendre les lecteurs guère au fait de l’âge de cette série. Car il convient de rappeler que Devilman, c’est un seinen publié en 1972 au Japon, une pierre angulaire du genre, qui reste un monument historique dans son pays d’origine. Après quelques pages d’adaptation, il faut bien admettre une efficacité narrative parfois déroutante, dans une sorte de fuite en avant qui refuse tout statu quo. Car si la phase de découverte des pouvoirs rappelle les shônen les plus classiques, voire les débuts d’un super-héros à la Spider-Man (voir Akira rosser les loubards qui lui cherchent des noises depuis des jours est quelque peu jubilatoire), les évènements s’emballent rapidement, et notre héros doit vite passer à la vitesse supérieure. Et là, on en prend plein la figure : d’une brutalité incroyable, les séquences de combat vont crescendo, alliant gore et images choc, et secouent jusqu’au lecteur le plus endurci. La surenchère dans ce concept de vengeur de l’humanité nous embarque ainsi jusqu’à un final apocalyptique, pour un auteur qui ne se ménage pas de suspense et ne fait pas durer plus que nécessaire : Devilman, c’est 5 tomes, et on en ressort soufflé !
Si, en ouvrant un volume, on pourrait avoir l’impression de lire du Goldorak, avec ces trognes caricaturales et ces planches dépouillées, le dessin de Go Nagai vise avant tout l’efficacité et la force évocatrice. Car si les combats sont de plus en plus violents au fil des tomes, ils sont aussi de plus en plus graphiques, avec des têtes coupées, des enfants éviscérés et des séquences gore que ne renieraient pas Eli Roth (Hostel) ou James Wan (Saw). Les choix esthétiques sont souvent spectaculaires, approchant parfois des estampes ou de la calligraphie, envoyés à grands coups de pinceaux ou chargés de hachures.
Go Nagai est un auteur complet, injustement méconnu du grand public en occident, et cette édition sensationnelle amène enfin la lumière sur cette saga ahurissante. Devilman est le manga le plus radical, le plus noire que l’on puisse imaginer, d’autant plus quand on sait qu’il a désormais plus de 40 ans. Incontournable !
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