J’ai longtemps hésité avant de prendre mon clavier et de chroniquer cette bande-dessinée. Et finalement… Cet article s’est imposé d’une certaine manière.
Beauté de Kerascoët et de Hubert est comme une musique lancinante qui devient d’un coup entêtante. Vous l’écoutez, n’êtes pas convaincus. Vous la lisez et restez un peu sur votre faim. C’est sympa, mais pas « the » oeuvre… Et malgré tout vous y pensez, le lendemain, le surlendemain, les jours qui suivent. Vous multipliez les contacts avec vos amis/relations/connaissances/ennemis même (pour ceux qui en ont…), lecteurs de BD et vous leur posez LA question : « Tu as lu Beauté toi ? Tu en penses quoi? » Et personne ne trouve finalement les mots qui vous rassasient.
Oui elle est originale. Oui elle est bien pensée. Oui elle est divertissante. Mais pas que…
Finalement, étrangement, je dirai qu’elle est envoûtante, tel un sort jeté dans un conte de fée.
Et ça tombe bien, parce que c’en est un de conte de fée ! Une sorte de conte de Cendrillon revisité et poussé à son extrême.
Beauté s’appelle en réalité Morue. Elle est vilaine et elle sent le poisson car elle a consacré ses années d’existence (20-25 ans max je dirai) à l’écailler. Elle se déplace et vous la sentez avant même de la voir. C’est ça sa particularité… Pas glamour, c’est sûr. Et bien sûr, elle peut compter sur la gentillesse de l’être humain pour que tous les habitants du village lui rappellent sa laideur.
Alors le jour où, animée par une profonde tristesse, elle pleure sur un crapaud qu’elle rencontre (et avec lequel elle compare son esthétique), elle ne se doute pas que sa vie va changer : cet amphibien est en réalité une fée qu’elle vient de libérer d’un mauvais sort. Grace à cela, elle a droit à un souhait. Sans aucun doute, elle ne demande qu’une chose : la beauté.
Et elle l’obtient. Plutôt deux fois qu’une. Elle reçoit l’illusion qui déforme la vision des êtres qui la rencontrent : elle incarne pour chacun la plus pure, la plus parfaite, la plus désirable beauté.
Celle qui rend fou. Celle qui pousse à mourir, à tuer, à torturer…
Celle qui la met en danger. Alors Beauté mortelle ou Laideur sereine, que choisir ?
Un dessin de Kerascoët (Marie Pommepuy et Sébastien Cosset) qui représente Morue de façon assez caricaturale aux traits appuyés : des yeux globuleux, un cheveux plat voire gras, un menton inexistant, des épaules qui tombent. Leurs traits sont à la fois simples et précis, appuyant les particularités physiques de chacun. Associé à des couleurs très modernes, les ambiances et tensions de chaque scène sont palpables. Enfin, un scénario d’Hubert qui répond parfaitement aux codes du conte de fée et qui rend cette histoire aussi obsédante qu’une chanson de The Lumineers…
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