Wendy Delorme, l’autrice de toute une génération
Il y a des plumes qui vont marquer un temps, une époque, une génération entière de lecteurs et lectrices, celle de Wendy est de cet encre. Elle pose des mots percutants, des concepts captivants, des réflexions incisives dans des ouvrages à la profondeur émouvante. Je vous parlais ici de Wendy Delorme en 2019 à travers son roman Quatrième génération. Un roman cru, exacerbé empli d’une énergie folle ! Plus disponible à la commande, la collection points féministe vient de le rééditer en poche et c’est une très bonne nouvelle! Je vous conseille d’ailleurs vivement de piocher dans ce catalogue qui propose des écrits pertinents et salutaires sur le sujet!
Dans Quatrième génération, Wendy Delorme parle de sexe comme il se fait : sans violon ni paillettes mais avec de la fougue et de la sueur. L’amour est complexe, le sexe également, la femme tout autant et Wendy Delorme encore plus. Son roman vous ravira ou vous rebutera, soyez-en certain. Tout y est malmené : les corps, le féminisme, les clichés et l’amour. Et pourtant elle sublime tout cela. Parce qu’elle écrit avec une verve puissante, engagée et inspirée.
Manon est une jeune femme, plus tout à fait jeune fille, une enfant sauvage qui vibre de liberté. Elle a cette apparente simplicité, ce ludisme, cette légèreté de la jeunesse mais détient en elle également la difficulté de se réinventer. Manon nous raconte quatre générations de femmes, quatre génération de féminisme avec ses contradictions, ses harmonies, ses luttes et ses erreurs. Elle raconte aussi son voyage dans les milieux alternatifs, laboratoires dans les quels elle va confronter ses désirs, son corps, sa sexualité.
Je résumerais ce livre par les mots de Wendy : « Il y a celles qui sont restées bien debout pour gueuler je suis féministe, pour claquer le pavé en talons aiguilles, pour vivre avec rage, force et joie et pour s’envoyer en l’air parce que chacun de nos orgasmes est un défi lancé à la face du monde ».
C’était son tout premier roman et déjà l’on sent le potentiel énorme de ce que l’autrice a à partager, à semer, à faire fleurir et nous n’avons plus qu’a plonger dans ses mots pour y piocher du savoir. Qu’est-ce que ça fait du bien!
Droit derrière ce bijou littéraire, Wendy revient avec Insurrections ! en territoire sexuel. Les éditions Au Diable Vauvert viennent de le rééditer; parce que cette première mouture est parue en 2009 et que le discours féministe, les questions sur la sexualité et le genre évoluent, s’affinent ou/et s’affirment. Ici, l’autrice poursuit l’exploration littéraire désinhibée d’un féminisme d’aujourd’hui, qui interroge les identités de genre et se plaît à mettre en scène les corps et les plaisirs. Un recueil de textes en forme de fictions à la verve puissante et d’une fraîcheur entraînantes. « À ta naissance les docteurs ont dit « c’est une fille » et tu es tombée tellement d’accord avec cette sentence que tu n’as cessé d’en rajouter depuis. Tu t’es éprise et condamnée au rang des moindres et des impies. La mère, la sainte et la putain tu les incarnes toutes et tu portes leur croix, tu te ferais volontiers crucifier d’ailleurs pour qu’elles te passent toutes sur le corps. » Insurrections ! en territoire sexuel dessine les contours d’un manifeste de sexopolitique pour l’épanouissement et la libération sexuelle des femmes. Certains récits sont érotiques, d’autres bien plus pornographiques, mais tous ont l’élégance artistique de provoquer, d’interroger et d’intervenir dans nos réflexions sur nos corps et ce qu’on en fait!
Une des cogitation de l’autrice, déjà abordée dans son dernier ouvrage, va faire le sujet de son suivant: La Mère la Sainte et la Putain. Un bref roman en forme de cri! 200 toutes petites pages d’une ardeur folle! La Mère la Sainte et la Putain sont les trois visages d’une femme qui raconte la gestation d’un enfant fait de mots, car ici, le texte est sa première mise au monde, avant l’être à venir . On suit toutes les étapes traversées par cette amazone libre, entre le moment où elle tombe amoureuse et celui où elle va enfanter : trois statuts violemment imposés au corps féminin dans un monde sans concession! Le concept, pour les vieilles féministes, n’est pas nouveau mais Wendy Delorme s’en empare avec majesté!
« La mère porte le fils de l’homme, la sainte lave les péchés. La putain baise la lie de l’humanité. Puis est venue Marie-Madeleine, qui a sanctifié le métier. Depuis elle, les putains jouent les infirmières, essuient les pieds de Jésus condamné, sèchent les larmes, noient dans leur ventre le mal de vivre, les vices et la fureur, consolent le cour des amants empoisonnés. Les putains appartiennent aux hommes, mais ne portent pas leur descendance. À elles la douleur du monde, aux autres celles d’enfanter. »
Wendy Delorme a écrit encore de nombreux livres, certains sous forme de manuel de sexualité, d’autre plus sociologiques. Elle préface un Monique Wittig ou du Ovidie, traduit du Valerie Solanas et en 2021 elle nous revient avec Viendra le temps du feu. Une dystopie, un roman choral, un ouvrage poétique, un manifeste brûlant, sublime, hallucinant de vérité et de danger! La révolte gronde à chaque page, dans un vacarme incandescent! Je crois n’avoir jamais lu de roman aussi puissant sur la sororité! Même Virginie Despentes y fait référence dans son Cher Connard!
« Elles étaient toutes brisées et pourtant incassables. Elles existaient ensemble comme un tout solidaire, un orchestre puissant, les organes noués en ordre aléatoire, un grand corps frémissant. Et j’étais l’une d’entre elles. » Une société totalitaire aux frontières closes, bordée par un fleuve. Sur l’autre rive subsistent les vestiges d’une communauté de résistantes inspirée des Guérillères de Monique Wittig. Dans la capitale du territoire fermé, divers personnages se racontent, leurs aspirations. leurs souvenirs. comment survivre, se cacher et se faufiler dans un monde où les livres sont interdits. Une dystopie où se reflètent les crises que nous traversons aujourd’hui. Un roman où l’on parle d’émancipation des corps et d’esprit de révolte. Un hommage à la littérature et à son potentiel émancipateur et subversif.
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