Les romans de David Vann sont presque toujours autobiographiques, il a cette capacité hallucinante de romancer le réel pour en faire des histoires palpitantes.
Dans ce Poisson sur le Lune, il se livre encore plus qu’a son habitude et vous conte une intimité particulière : celle du suicide de son père et surtout des jours qui ont précédé le terrible passage a l’acte.
L’auteur n’a que treize ans quand son père décède. Il lui faudra 30 ans pour livrer cette analyse pertinente, bouleversante à la beauté brutale.
Jim a 39 ans, une vie chaotique faites de divorces, d’échecs, de mélancolie, de colères et de rêves. Il nous emmène dans un road trip à travers la Californie, dressant un portrait d’une Amérique le doigt toujours posé sur la gâchette, constamment en proie à la violence de la vie, qu’elle soit littérale ou figurée.
Un road tripe personnel où les paysages merveilleusement décrits de cette Californie démesurée se substituent à ceux de personnages authentiques, si sombres ou pourtant solaires.
D’ex-femmes en médecins, de rares amis en enfants, on remonte le temps avec Jim et l’auteur nous renvoie face à nos questionnements, nos doutes, nos craintes tout en distillant habillement cette fascination que la mort provoque en chacun de nous. Jim devient dangereux pour lui comme pour son entourage. Ses pulsions de mort n’épargnent personne, pas même le lecteur. Les quelques désirs qui lui restent ne parviennent même plus à l’animer et pourtant, tout au fond de lui il aimerait tellement « être encore utile à quelque chose ».
David Vann oscille entre trait d’humour, poésie intense et tendresse sans jamais vous laisser de répit. La présence constante de ce Rugger 44 Magnum renforce ce sentiment de chute libre tout au long de la lecture.
Jim passera à l’acte de toute façon, il reste simplement à définir quand et à affiner le pourquoi. C’est là qu’intervient le génie de l’auteur. Il entame une introspection qui frôle la perfection tant les émotions vous emmènent loin en vous et il parvient à sonder l’esprit de ce père suicidaire avec une telle justesse qu’il vous enchaîne littéralement à ces pages pour vous laisser en état de choc.
Est-ce un roman noir ? Une ode au suicide ? Un essai sur le deuil ?
Non, rien de tout cela. Un poisson sur la Lune est un merveilleux roman, une expérience littéraire de toute beauté parce que David Vann est avant tout et surtout un auteur à la plume magistrale !
David Vann dressait déjà un portrait passionnant de ce père particulier dans Sukkwan Island, ici, il parfait son tableau pour livrer un chef d’oeuvre.
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