Enquête 2.0
M, Le bord de l’abîme de Bernard Minier
L’auteur français revient avec son dernier roman La Vallée. Dans le même temps, M, le Bord de l’abîme se décline en format de poche. Direction Hong Kong et cette fois ci sans Martin Servaz : ce thriller connecté est un one shot.
Une jeune française, Moïra est recrutée par la célèbre entreprise Ming. Sa mission : mettre au point la dernière intelligence artificielle qui écrasera les projets de ses concurrents : Facebook, Apple et Google. Pour y parvenir, direction Hong Kong pour rencontrer DEUS. Si ce n’est qu’un prototype, il se comporte déjà comme un humain et semble parfois avoir des avis politiques et éthiques bien tranchés…
Chan lui est policier à Hong Kong et une affaire particulièrement sordide réclame toute son attention. Des corps de femmes mutilés sont retrouvés sans vie. Leurs points communs? Toutes sont solitaires, connectées aux réseaux sociaux et toutes travaillaient pour Ming …
M nous entraîne dans une société ultra connectée où le concept de vie privée n’est plus qu’un lointain souvenir. Toutes nos recherches et nos déplacements sont pistés et les intelligences artificielles sont plus humaines que jamais. Un plongeon glaçant dans un épisode de Black Mirror plus réel que l’on ne pourrait le croire puisque chaque prototype énoncé dans le livre existe déjà ou est sur le point d’être commercialisé.
Bon Dieu, vous ne voyez donc pas ce qu’est en train de devenir le monde ? Le monde que nous fabriquons ? Mais ouvre les yeux ! Tu ne vois donc pas ce qu’ils nous préparent avec leurs fermes de calcul, leurs algorithmes et leurs applications ? Un monde où tout un chacun est sous le regard des autres tout le temps, jugé pour le moindre de ses faits et gestes par une armée de petits censeurs, de petits procureurs et de petits dictateurs planqués derrière leurs ordinateurs ! Un monde où si tu émets la moindre opinion divergente tu te fais insulter et tu reçois des menaces de mort. Un monde où les gens se haïssent pour un mot prononcé, pour le quart d’une idée, où il faut tout le temps aux foules des boucs émissaires à brûler et à détester. Où des gosses en poussent d’autres au suicide sur les réseaux sociaux pendant que leurs parents appellent au meurtre, à la haine et à la destruction sur ces mêmes réseaux. C’est ça, le monde dans lequel tu veux vivre ? celui que tu veux pour tes enfants ? Parce que c’est ça le monde que nous sommes en train de leur construire…
Psychologie de la rupture amoureuse
Délicieuse de Marie Neuser
Le bonheur de Martha agace son entourage. Un appartement douillet, un travail de rêve et 20 ans d’amour fou avec celui qui est devenu son mari puis le père de son fils. Rien ne peut ébranler cet empire. Car elle le sait, son couple est solide, elle a une confiance aveugle en ses sentiments et ceux d’Antoine. Cette certitude est si bien ancrée qu’elle ne voit pas que le vernis de son petit bonheur s’écaille.
Antoine doute. Et il doute dans les draps d’une autre femme. Quand la vérité éclate, Aline devient la personne à abattre. La responsable de tous les malheurs du monde. Banale, niaise et ennuyante elle a pourtant volé la peau, les gestes tendres et le désir de son mari.
Une rupture comme il en existe des tas. Oui, mais Martha est dévastée et raconte son histoire au monde. Face à sa caméra, elle décrypte ses ressentis avec impudeur et clairvoyance. Et très vite, cette psychologue se rend compte qu’elle ressemble en tout point à ses patients. Et ces derniers sont désormais enfermés entre quatre murs ils ont commis l’irréparable …
Je voudrais que tu pleures. Comment peux-tu supporter ma détresse sans pleurer ?
C’est là, maintenant, que je comprends.
Tout en toi est sec. Tout en toi qui me concerne.
C’est elle qui a volé ta substance.
Une autopsie des relations humaines et de l’impact qu’elles peuvent avoir sur notre propre perception. Mi-roman noir mi-roman introspectif, Délicieuse fait écho à nos propres blessures amoureuses et nous tient en haleine jusqu’à la dernière page.
Double intrigue en Corse
Malamorte, Antoine Albertini
Sous le soleil de l’Ile de Beauté, un flic est relégué au service des homicides simples. Un département placard qui ne fait envie à personne. En quelques jours sa petite vie tranquille et un peu fade va basculer.
La femme d’un chef d’une entreprise de BTP et leur fille sont retrouvées mortes. Le mari ? Dans le coma après ce qui ressemble à une tentative de suicide ratée. Quelques kilomètres plus loin, le corps d’une randonneuse apparemment sans histoire est retrouvé sans vie. Deux affaires en apparence plutôt banales et sans lien direct.
Les indices manquent. Le silence est de règle à Bastia et dans ses alentours. Mafia, tensions politiques, corruption, xénophobie … tout est réuni pour dresser le portrait que l’on attend de la Corse. Et les clichés fonctionnent dans le roman d‘Antoine Albertini.
Les intempéries avaient rendu l’île à ses angoisses hivernales, ces longs mois où la pire des malédictions nous tombait dessus : nous retrouver seuls avec nous-mêmes, prêts à laisser parler nos instincts cannibales, à nous entre-dévorer à la première occasion.
Une double intrigue parfaitement maîtrisée, des personnages charismatiques et haut en couleurs, une écriture tranchante et argotique. Albertini réussit son coup et nous donne toutes les raisons de poursuivre en lisant son nouveau roman Banditi.
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