Louisa
Descente aux enfers dans les croyances religieuses
Roqya ou Ruqiya : exorcisme propre à l’Islam qui vise à guérir des maladies occultes.
Roubaix, 1994 : une famille pieuse fait appel à un exorciste pour faire partir le djinn qui a pris possession du corps de leur fille. La séance tourne mal, la jeune fille décède et c’est un procès ahurissant qui débute avec comme accusé principal un exorciste respecté et réputé dans le Nord de la France.
Cette affaire est très vite oubliée. Les exorcismes dans l’Islam reste moins nombreux que ceux exercés dans le culte chrétien.
Des années après le drame, Lou Syrah apprend que son père a lui aussi subit un exorcisme à la demande de sa famille qui refuse son histoire d’amour avec une française. Ce béguin ne peut être que la preuve qu’une force occulte s’en est pris à leur fils aîné. L’autrice part alors en quête de vérité. Qu’est ce qu’un exorcisme véritablement? Comment lever ce tabou familial pour comprendre d’où elle vient?
Issue d’un mariage mixte, sa mère est catholique, son père est musulman, la jeune femme est résolument athée. Elle se plonge sur son histoire familiale et reconstitue le drame arrivé en 1994 à la jeune Louisa avec délicatesse et parcimonie.
Lou Syrah est journaliste pour le Canard Enchainé et Médiapart et elle s’est livrée à une véritable enquête sur la médecine prophétique en France.
Dans un milieu touché par la précarité, ces pratiques ne sont pas de vieilles croyances oubliées, elles existent à chaque coin de rue, derrière les portes closes de nos voisins.
C’est donc avec une vision sociologique qu’elle livre une partie de sa vie sous ce pseudonyme.
Un récit à peine croyable et dénué de pathos qui nous en apprend plus sur la religion et certaines de ses dérives. Des questions qui font débat au cœur de la culture musulmane et bien au delà.
Le nouveau
Huis Clos en récréation
La méfiance s’installent chez les élèves, le doute chez les professeurs. Seule Dee lui tend la main. Un regard et c’est toute une nouvelle histoire qui semble s’écrire entre eux deux.
Une réécriture d’Othello dans les années 70 dans une banlieue américaine par la talentueuse Tracy Chevalier, connue pour son roman La jeune fille à la perle.
Dee le repéra avant tout le monde. Elle en fut très heureuse et fit durer l’instant. Elle se sentait spéciale de l’avoir pour elle seule pendant quelques secondes, avant que le monde autour d’eux ne s’arrête et que personne ne s’en remette jusqu’à la fin de la journée.
Sous ses allures douces et enfantines, ce roman est une claque. Un huis clos oppressant dans une cour de récréation qu’on aurait pu tous connaître. Un roman vertigineux sur l’altérité qui dépasse de loin les enfantillages. L’atmosphère est pesante et devient de plus en plus anxiogène. Un roman choc qui nous attrape et nous entraîne dans un tourbillon de plus en plus rapide et violent.
Ici n’est plus ici
Regards sur une culture menacée
Tommy Orange est indien. Dans une Amérique moderne, il nous parle de son quotidien à travers une galerie de personnage qui (sur)vivent en essayant de conserver leur culture, certains en tentant de s’en échapper totalement.
Loin des mythes, des réserves d’amérindiens, l’auteur fait évoluer ses personnages dans un paysage urbain empli de précarité et de racisme.
Difficultés financières, alcoolisme, violence. C’est un monde cru qui se dévoile au lecteur pour apporter un regard plus juste d’une réalité en Amérique.
Entre modernités et traditions, ces destins vont se croiser lors d’un grand Pow Wow. Au départ, événement religieux chamanique, c’est aujourd’hui le moyen de se rassembler et d’honorer la culture amérindienne.
Les histoires individuelles de chacun viennent prendre une autre dimension lors de ce grand rassemblement et offrent au lecteur une explosion d’émotions.
Nous sommes le résultat de ce qu’on fait nos ancêtres. De leur survie. Nous sommes l’ensemble des souvenirs que nous avons oubliés, qui vivent en nous, que nous sentons, qui nous font chanter et danser et prier comme nous le faisons, des sentiments tirés de nos souvenirs qui se réveillent ou éclosent sans crier gare dans nos vies, comme une tache de sang imbibe la couverture à cause d’une blessure faite par une balle qu’un homme nous tire dans le dos pour récupérer nos cheveux, notre tête, une prime, ou simplement se débarrasser de nous.
Poète cheyenne , lyriste sensible, l’auteur signe son texte d’une plume acérée. Un premier roman qui se veut pédagogique, emprunt d’histoire de ce peuple décimé. Une prose humaniste. Un cri qui écorche.
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