L’écrivain et scénariste américain originaire de Boston Dennis Lehane fait aujourd’hui parti des écrivains de polars les plus influent.
A la fois de part son œuvre –comptant pas moins de 12 romans parus, un recueil de nouvelles, une pièce de théâtre, deux adaptations en bande dessinée et cinq adaptations au cinéma –et également par le réalisme social dont font preuve son écriture et ses sujets.
Que ce soit Mystic River ou encore Shutter Island, nous avons quasiment tous déjà vu ou lu l’une de ses histoires.
Cependant, c’est sur sa trilogie consacrée à la mafia irlandaise de Boston que nous allons nous attarder ici.
Un pays à l’aube :
A la fin de la première guerre mondiale, en pleine expansion syndicale du corps de police –trop peu payé depuis une quinzaine d’années –nous allons suivre le parcours de Danny Coughlin, jeune patrouilleur de la ville.
Chez les Coughlin, la police, c’est une tradition, et le père, Thomas Coughlin, est haut gradé et bien loin de ces inconforts que subissent les simples agents. Pour éviter toute révolte, il pousse, à l’aide de John Edgar Hoover, son fils à infiltrer le syndicat en lui promettant une promotion à la clé.
Pendant ce temps, Luther Laurence, joueur de baseball amateur afro-américain de l’Ohio s’installe en Oklahoma et se retrouve à gagner beaucoup d’argent grâce à un bookmaker local. L’affaire tourne mal et il doit s’enfuir à Boston où il se retrouvera homme à tout faire chez les Coughlin….
Derrière ces destins croisés, c’est toute la vie sociétale de l’Amérique des années vingt que Lehane nous sert. Police, jeux, mafia, humanité, traitement racial, amour, conflit et bien plus encore, un pêle-mêle de sujets sont brassés dans une écriture lyrique et humaniste, rendant ce livre conséquent agréable à lire et surtout très instructif.
Extrait: T’as jamais remarqué que quand ils ont besoin de nous ils parlent de « devoir », mais que quand on a besoin d’eux ils parlent de « budget » ?
Ils vivent la nuit:
A Boston, en 1926, la prohibition fait rage.
L’embargo sur l’alcool n’empêche en rien la consommation et les journées des bootleggers n’ont jamais été aussi remplies.
Dans ce contexte, Joe Coughlin, petit frère de Danny, refuse de suivre les pas de sa famille et braque un tripot clandestin avec deux complices. Le casse se passe maladroitement et deux événements en émergent : Ils ont volé l’un des plus gros parrains local, Albert White, et Joe tombe amoureux de la maîtresse de ce dernier.
La sanction ne se fait pas attendre, il se fait passer à tabac lors d’une réception et fini en prison. Là, il est pris sous l’aile de Maso Pescatore, rival d’Albert, et est envoyé en Floride à sa libération pour reprendre le trafic de rhum local.
Prenant le contre-pied du premier volume en suivant cette fois-ci des hors-la-loi, Dennis Lehane dresse le portrait d’une prohibition méconnue, celle du rhum cubain dans le sud des Etats-Unis.
Le style est toujours là, l’ironie de ces années également et la verve sociale est cette fois-ci orientée vers le traitement des Noirs dans les années trente, du problème de filiation, du devoir de dette et de l’amour perdu.
C’est un livre moins long et également plus abordable que le premier, mais néanmoins tout aussi indispensable pour qui aime l’histoire américaine, les grandes fresques et la littérature en règle générale.
Ben Affleck vient d’ailleurs d’en réaliser l’adaptation, disponible en DVD depuis peu.
Extrait: Mais on n’est pas les enfants de Dieu, Joe, on n’est pas des personnages de conte de fées dans un livre sur le grand amour. On vit la nuit, et on danse comme des fous pour que l’herbe ne puisse pas repousser sous nos pieds. C’est ça, notre credo.
Ce monde disparu:
Quelques années après Ils vivent la nuit, Joe Coughlin a raccroché les gants et vit avec son fils une fin de vie paisible. Il a réussi à sortir du milieu en vie, peut profiter de ses gains et des années qui lui reste. Il se paie même le luxe de servir de conseiller pour ses anciennes relations.
Seulement, son quotidien est un jour troublé lorsque, au cours d’une soirée mondaine, il apprend qu’un contrat courrait sur sa tête. Bien décidé à comprendre et surtout à éviter cette fatalité, il entreprend de remonter toute la filière du crime de la région jusqu’à pouvoir démêler le vrai du faux….
Troisième et dernier volume de cette trilogie, Ce monde disparu est probablement le plus calme et le plus poétique de tous.
Surfant sur le devoir de paternité, le respect des traditions, la perte du code moral des malfrats et les choix cruciaux que nous amène parfois la vie, Dennis Lehane réussi à changer encore une fois de ton tout en gardant une cohésion générale impeccable.
Extrait: Ce qu’on ne dit pas à propos du pouvoir absolu, c’est qu’il n’est jamais absolu : à partir du moment où on le détient, il y a toujours quelqu’un pour chercher à s’en emparer. C’est ainsi que les princes peuvent dormir sur leurs deux oreilles, mais pas les rois, qui guettent toujours le craquement d’une latte de plancher, le plus léger couinement d’une charnière…
Cette trilogie est l’une des seules du genre à traiter d’autant de thématiques et avec une telle puissance narrative et stylistique, elle est plus que grandement conseillée à tout amateur d’histoire à échelle nationale, sociale ou humaine tout simplement.
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